![]() |
Crédit image : Burgos CF |
Le Burgos CF, pensionnaire de LaLiga Hypermotion, traverse une phase complexe de sa trajectoire financière. Si le club castillan enregistre une progression régulière de son chiffre d'affaires depuis trois saisons, il doit en parallèle faire face à une structure déficitaire, un endettement en forte croissance et des fonds propres passés dans le rouge.
Une lecture croisée des rapports financiers 2021/2022 à 2023/2024 permet de dresser un portrait nuancé, où ambition sportive et gestion d'entreprise s'affrontent au rythme d'une rentabilité en recul.
Une croissance constante des revenus
Le premier indicateur qui témoigne de la dynamique commerciale du club est le chiffre d'affaires net, qui passe de 9,83 millions d'euros en 2021/2022 à 11,21 millions d'euros en 2023/2024, soit une progression de 14 % sur deux ans. Cette hausse est portée essentiellement par :
- Les droits TV (6 millions d'euros en 2023/2024) : Bien que les droits TV restent relativement stables par rapport à la saison précédente (6,18 millions d'euros), ils constituent la plus grande source de revenus pour le club. Ces recettes sont essentielles pour sa pérennité financière dans le cadre de son statut en LaLiga Hypermotion.
- Les recettes des abonnements et d'adhésion (2,55 millions d'euros) : Elles ont enregistré une progression importante (12,35 % par rapport à l'exercice précédent), renforçant l'engagement de la base de supporters. Cette augmentation peut aussi être attribuée à un meilleur remplissage du stade et à une politique commerciale active pour séduire de nouveaux fans.
- Le merchandising et le sponsoring, qui enregistrent une belle progression (2,44 millions d'euros) : Le club a su diversifier ses sources de revenus en établissant de nouveaux partenariats. En plus d'avoir assurer le renouvellement d'une année supplémentaire avec Reale Seguros, son sponsor principal, le Burgos CF a attiré de nouveaux partenaires comme DIGI (nouveau sponsor principal depuis juillet 2024), VT Batteries Exide et Gestta. Ces accords permettent de renforcer sa stabilité financière.
- Les recettes issues du marché des transferts (0,19 million d'euros) : Bien que modeste, les revenus issus des transferts de joueurs représentent une étape importante pour le club, indiquant un développement progressif dans la valorisation de ses joueurs, tels que David Goldar, vendu au Pafos FC. A titre de comparaison, ces recettes étaient nulles lors de la saison 2022/2023.
En tout, les recettes d'exploitation atteignent un record de 11,97 millions d'euros sur l'exercice 2023/2024, confirmant la vitalité économique de l'institution en matière de revenus. Cette croissance est également soutenue par les performances de l'équipe première sur le terrain, qui a enchaîné sa troisième saison en LaLiga Hypermotion en 2023/2024. Le maintien en deuxième division, couplé à des performances de plus en plus solides, contribue à l'attractivité du club, tant sur le plan sportif que commercial.
Une rentabilité sous pression depuis deux saisons
Malgré la croissance continue des revenus, la rentabilité du Burgos CF s'érode fortement depuis deux saisons. Le club est passé d'un résultat net positif de 0,14 million d'euros en 2021/2022 à des pertes récurrentes 1,60 million en 2022/2023 et 1,61 million d'euros en 2023/2024. Bien que cette stagnation des déficits puisse sembler relativement stable, elle masque une détérioration progressive de l'équilibre économique du club, qui commence à soulever des interrogations sur la durabilité de son modèle financier à moyen terme.
Le résultat d'exploitation, indicateur clé pour évaluer l'efficacité du modèle sportif et économique, confirme cette tendance préoccupante. En 2021/2022, il était encore positif (0,35 million d'euros), avant de plonger à -1,30 millions d'euros en 2022/2023, puis se stabiliser à -1,24 millions d'euros en 2023/2024. Cette évolution négative du résultat d'exploitation, qui ne reflète pas une simple fluctuation saisonnière mais une tendance structurelle, met en lumière des tensions financières croissantes.
Les principales causes de cette pression sur la rentabilité peuvent être attribuées à plusieurs facteurs :
- L'augmentation des charges opérationnelles : Les dépenses d'exploitation ont continué d'augmenter, passant de 10,24 millions en 2021/2022 à 12,42 millions d'euros en 2023/2024. La masse salariale, en particulier, a connu une hausse significative, passant de 6,16 millions d'euros en 2021/2022 à 8,07 millions d'euros en 2023/2024, soit une augmentation de près de 31 %. Cette hausse des salaires, bien que liée à l'amélioration de l'effectif et à la montée en puissance du club en LaLiga Hypermotion, représente un fardeau important sur le résultat net.
- Le poids de la dette : Bien que le club ait réussi à obtenir une augmentation de capital pour renforcer ses fonds propres, la dette reste un élément clé de sa structure financière. Les dettes à long terme ont augmenté de manière notable, passant de 4,75 millions d'euros en 2022/2023 à 6,14 millions d'euros en 2023/2024, soit une hausse de 29 %. Cette dette accrue, associée à des charges financières en constante augmentation, pèse sur la rentabilité du club.
- Les marges limitées sur certaines recettes : Bien que le club ait réussi à augmenter ses recettes provenant du merchandising, du sponsoring, et des transferts, ces sources de revenus demeurent moins solides et plus volatiles que les droits TV. La dépendance aux droits TV reste un facteur de vulnérabilité, car elle expose le Burgos CF à la stabilité du marché des droits audiovisuels, qui n'est pas garanti à long terme.
En résumé, bien que les revenus continuent de croître, la rentabilité du Burgos CF reste sous pression, principalement à cause de la hausse des charges, de l'endettement croissant et de la dépendance aux recettes instables. La gestion future de ces facteurs, ainsi qu'une meilleure maîtrise des coûts, seront essentielles pour restaurer un équilibre financier et assurer la pérennité économique à moyen et long terme.
Une dette qui se creuse et des fonds propres dégradés
L'un des signaux les plus inquiétants du rapport 2023/2024 concerne la structure financière du club. Les fonds propres, qui étaient encore positifs en 2021/2022 à hauteur de 0,11 million d'euros, sont désormais négatifs de -2,62 millions d'euros. Ce retournement indique que le passif du club excède désormais la valeur comptable de ses actifs nets. Ce phénomène, qui traduit un déséquilibre structurel important, reflète un endettement croissant qui place le Burgos CF dans une situation financière plus fragile. La dégradation des fonds propres suggère une vulnérabilité accrue en cas de ralentissement des revenus ou de nouveaux imprévus financiers.
En parallèle, la dette financière brute atteint 13,67 millions d'euros au 30 juin 2024, contre 9,86 millions d'euros l'année précédente. Cette augmentation notable, de 38,5 %, fait ressortir une dynamique inquiétante de creusement de la dette. Une telle hausse de l'endettement peut avoir des conséquences lourdes, notamment en matière de charges financières et de risques de solvabilité à moyen terme. La composition de cette dette est également révélatrice des leviers financiers utilisés par le Burgos CF pour maintenir son fonctionnement :
- 7,74 millions d'euros de dettes auprès d'entités de crédit, soit plus de la moitié de l'endettement total. Parmi ces dettes, on retrouve des montants importants envers des acteurs comme le fonds CVC (5,80 millions d'euros), qui fait partie du programme d'investissement de LaLiga, mais aussi des créanciers privés comme Rights and Media Funding Ltd (1,54 million d'euros) et CaixaBank (0,40 million d'euros). Ce type de dettes, en particulier celles auprès de fonds d'investissement, peut générer des intérêts élevés et des conditions de remboursement rigides. Cela augmente la pression sur la trésorerie du club et limite ses capacités d'investissement. Même si le cas CVC fait exception, car étalé sur une durée de cinquante ans, la dette auprès de Rights and Media Funding est principalement à court terme (1,06 million d'euros à rembourser au cours de l'exercice en cours).
- 2,22 millions d'euros de dettes envers les entreprises du groupe, principalement liées à Entretenimiento 360 S.L. (1,58 million d'euros), la société de Marcelo Figoli, propriétaire du club. Cette dette inter-entreprise peut être un élément double tranchant : d'une part, elle permet au Burgos CF de bénéficier d'une forme de financement interne en période de besoin de liquidités, mais d'autre part, elle alourdit encore la charge de la dette totale. Les relations avec les actionnaires ou les entités du groupe doivent être surveillées de près pour éviter que la dette ne devienne trop contraignante.
- 3,60 millions d'euros de passifs commerciaux divers, qui représentent une part importante des dettes à court terme. Ces passifs comprennent des paiements en attente envers des fournisseurs, les joueurs, l'administration fiscale et d'autres créanciers commerciaux. Bien qu'ils ne portent pas de charges financières directes, ils peuvent créer des tensions de trésorerie s'ils ne sont pas gérées efficacement.
En résumé, l'évolution de la structure de la dette et la dégradation des fonds propres soulignent la vulnérabilité croissante du Burgos CF. L'augmentation significative de l'endettement, en particulier auprès de créanciers externes et d'entités du groupe, expose le club à un risque accru de tensions de liquidité et de pression sur ses résultats financiers. A cela s'ajoute une baisse de la flexibilité financière, le club étant de plus en plus dépendant des financement externes pour couvrir ses besoins.
Le principal défi réside désormais dans sa capacité à gérer cette dette croissante tout en poursuivant ses efforts pour maintenir la croissance de ses revenus. Sans une amélioration substantielle de la rentabilité, le Burgos CF pourrait se retrouver dans une position financière plus précaire, qui compliquerait davantage ses ambitions sportives et économiques.
Un soutien capitalistique crucial pour assurer la continuité
Dans un contexte marqué par une rentabilité dégradée et une dette croissante, le maintien de la continuité d'exploitation du Burgos CF repose sur une combinaison de soutien actionnarial, d'optimisation de la trésorerie et de maîtrise de la structure d'actif à court terme.
L'exercice 2023/2024 marque un retournement positif des flux de trésorerie, avec un flux consolidé de +0,90 million d'euros, contre -0,08 million d'euros un an plus tôt. Cette amélioration s'explique par :
- Un flux de trésorerie d'exploitation redevenu positif à hauteur de 0,72 million d'euros, soit une progression significative par rapport aux -1,44 million d'euros de l'exercice précédent. Ce redressement est lié à un ajustement du résultat comptable (+0,90 million d'euros) et à une variation favorable du capital circulant (+1,79 millions d'euros), traduisant une meilleure gestion des créances et des dettes à court terme.
- Des flux de trésorerie de financement positifs (+2,83 millions d'euros), tirés par l'émission de nouvelles dettes : 2,59 millions d'euros auprès d'entités de crédit et 2,22 millions d'euros auprès de l'actionnaire principal. Ces nouveaux emprunts ont permis de couvrir en partie les sorties liées aux remboursements d'emprunts (-1,03 millions d'euros) et au paiement d'autres dettes (-0,94 million d'euros).
- Des flux de trésorerie d'investissement toujours négatifs (-2,66 millions d'euros), reflétant un effort soutenu d'acquisition d'actifs, principalement en immobilisation corporelles (+2,01 millions d'euros par rapport à 2022/2023). Le club continue d'investir dans ses infrastructures pour améliorer son attractivité, un facteur clé pour se maintenir dans le football professionnel et viser pourquoi pas la montée en première division.
La trésorerie de fin d'exercice progresse ainsi à 1,06 million d'euros, contre 0,16 million un an plus tôt. Il s'agit de la première augmentation significative de la trésorerie en trois ans, témoignant d'un renforcement momentané des ressources de court terme.
Par ailleurs, le total de l'actif passe de 16,62 millions à 20,59 millions d'euros en un an, principalement grâce à :
- L'augmentation des immobilisations corporelles (+2,01 millions d'euros) et incorporelles (+0,37 million d'euros), ce qui traduit les efforts d'investissement dans les infrastructures notamment au stade El Plantío et au renforcement de l'effectif professionnel.
- Une hausse significative des investissements financiers à court terme (de 0,06 million à 0,71 million d'euros), qui peut signaler une stratégie de placement de trésorerie ou d'avances à court terme.
Toutefois, la situation du fonds de roulement net reste préoccupante. L'actif courant (3,24 millions d'euros est très inférieur au passif courant (8,94 millions d'euros), soit un besoin en fonds de roulement (BFR) de -5,70 millions d'euros. Cela indique que le club dépend encore massivement des encaissements rapides et du soutien externe pour couvrir ses engagements de court terme. Cette tension structurelle sur le fonds de roulement expose le Burgos CF à des risques de liquidité en cas de décalage de flux de revenus (notamment des droits TV ou des contrats de sponsoring).
Cap sur 2026/2027 : l'objectif de l'équilibre
Malgré deux saisons successives de pertes, le Burgos CF continue d'afficher un cap stratégique clair : atteindre l'équilibre financier à l'horizon 2026/2027. Pour y parvenir, le club s'est engagé dans une série de mesures structurelles et d'investissement à long terme. D'abord, le changement d'actionnariat en janvier 2024 constitue un tournant. La société argentine Fénix Entertainment, dirigée par Marcelo Figoli, a racheté 47 % du capital du club détenu jusqu'alors par Yucon, devenant ainsi l'actionnaire principal.
Ce changement de gouvernance s'est accompagné d'une consolidation de la direction stratégique et d'une volonté affirmée de transformer l'institution. Parmi les leviers mobilisés pour sécuriser l'avenir financier du club figure un plan d'investissement pluriannuel de 20 millions d'euros sur trois ans. Celui-ci comprend :
- La construction d'une résidence pour les jeunes joueurs.
- La construction d'un complexe sportif, d'où l'adhésion du club au plan de financement de CVC (LaLiga Impulso).
- La rénovation de la tribune principale du stade El Plantío, pour améliorer l'infrastructure d'accueil et renforcer l'attractivité commerciale à moyen terme.
Ces projets visent à professionnaliser l'environnement sportif, à renforcer l'ancrage local et diversifier les sources de revenus à long terme, en misant sur l'optimisation des actifs matériels du club. Dans cette perspective, l'atteinte de l'équilibre repose non seulement sur la maîtrise des charges, mais aussi sur une transformation structurelle de l'organisation, soutenue par l'actionnaire principal. L'objectif est de bâtir une base solide et durable, à même de soutenir la croissance économique du club dans un cadre plus stable et moins dépendant du court terme.
Conclusion : une dynamique sous tension, mais structurée
Le Burgos CF évolue dans un équilibre entre croissance économique et fragilité structurelle. D'un côté les recettes poursuivent leur progression, soutenues par des revenus d'exploitation solides, un engagement accru du public et un soutien actionnarial actif. La trésorerie s'est redressée et les investissements structurants témoignent d'une volonté claire de modernisation. De l'autre, le club reste confronté à une situation financière tendue : des pertes nettes récurrentes, une dette en hausse, un fonds de roulement négatif et des fonds propres désormais inférieurs à zéro. Ces indicateurs traduisent une dépendance persistantes aux financements externes et au soutien du propriétaire.
Dans ce contexte, le projet de retour à l'équilibre à l'horizon 2026/2027 prend tout son sens. Il repose sur trois piliers : la maîtrise progressive des charges, la montée en puissance de nouveaux actifs (centre d'entraînement, résidence, stade) et une gouvernance resserrée autour d'un actionnariat stable. La stabilité sportive en deuxième division reste un facteur clé de cette trajectoire. Si le club parvient à consolider ses fondations économiques tout en préservant sa compétitivité sportive, il pourrait transformer ses ambitions en résultats durables. Mais pour l'heure, la route vers l'équilibre reste exigeante et étroitement surveillée.
0 Commentaires