FEB Analytics 2026 : Sevilla FC - Mort Clinique d'un Club Bloqué Par Ses Actionnaires

Chiffre d'affaires en baisse, masse salariale élevé, plus-values dérisoires, le Sevilla FC sous perfusion en attendant le cercueil ?
Crédit image : LaLiga

La crise financière se prolonge au Sevilla FC, qui clôt l'exercice 2024/2025 par une nouvelle perte nette de 54,06 millions d'euros. Il s'agit de la cinquième saison consécutive dans le rouge, malgré une réduction du déficit par rapport aux 81,72 millions d'euros enregistrés en 2023/2024. Le fort recul du chiffre d'affaires net constitue le principal facteur de cette dérive financière.

Privé de compétitions européennes, le club de LaLiga EA Sports a vu son chiffre d'affaires net chuter de 34,2 %, passant de 174,97 millions à 115,19 millions d'euros. Une contraction d'une ampleur inédite sur les sept dernières années, d'autant plus marquante que le secteur commercial, pourtant résilient, n'a pas suffi à amortir cette dégradation.

Une situation qui contraint désormais le club à relever son niveau sportif en championnat, seul levier capable de rétablir l'équilibre, tant les charges structurelles, malgré les efforts de réduction engagés, restent trop élevées. A cela s'ajoute la dépréciation de l'effectif, qui limite les plus-values de transferts — autrefois véritable de la rentabilité générale sévillane.

Une récession en effet domino

La 14e place obtenu en Liga en 2023/2024 a laissé une marque profonde à Nervión. Pour un club habitué aux positions européennes — a minima en Ligue Europa — finir dans la seconde moitié du classement constitue non seulement un échec sportif, mais aussi le point départ d'une décroissance financière prévisible. Le Sevilla FC a ainsi subi de plein fouet une réalité implacable : sans performance sportive, son modèle économique vacille.

La chute du chiffre d'affaires trouve son origine dans l'effondrement des revenus de compétitions, en retrait de 88,4 %, passant de 61,78 millions à seulement 7,19 millions d'euros. L'absence d'Europe se paie comptant. Depuis la pandémie, le Sevilla FC a laissé sa situation financière se fragiliser, s'appuyant sur des mécanismes exceptionnels pour éviter la rupture : le prêt participatif de CVC, comptabilisé en quasi-fonds propres, et la neutralisation des effets de la Covid-19 sur les capitaux propres décidée par l'Etat espagnol.

Au cours de cet exercice 2024/2025, hormis les recettes commerciales, aucun poste n'a résisté. Les droits TV ont reculé de 11,9 %, pour s'établir à 64,76 millions d'euros, tandis que les revenus d'abonnements ont diminué de 7,3 %, à 14,37 millions d'euros. Le secteur commercial, avec 28,87 millions d'euros, n'a pas signé de record et sa progression — limitée à 19,5 % — apparaît insuffisante pour compenser l'effondrement global des revenus.

Quelques mouvements internes ont également marqué le secteur commercial. Le club a recruté Lorenzo Aldobrandini, ancien cadre de l'AC Milan, pour prendre la tête du sponsoring et redynamiser une division en perte de vitesse. Sur le plan des partenariats, Midea est signé comme sponsor principal tout au long de la saison, tandis que Castore, l'équipementier britannique arrivé en 2022, a mis fin à sa collaboration avec le Sevilla FC à l'issue de l'exercice, laissant la place à Adidas.

Cette contraction brutale des revenus n’a évidemment pas été accompagnée d’un ajustement équivalent des charges, dont l’élasticité demeure limitée. Avec une masse salariale calibrée pour un club européen, le retour aux bénéfices relevait de l’illusion : les coûts n’ont tout simplement pas suivi la nouvelle réalité économique du Sevilla FC.

Une élasticité tendue des dépenses

Comme pour de nombreux clubs, la masse salariale reste le talon d’Achille de l’entité hispalense. Historiquement élevée, elle découle d’un modèle fondé sur la valorisation agressive des joueurs, qui a fait la réussite de Séville dans les années 2010, notamment avec ses triomphes répétés en Ligue Europa. Mais ce modèle s’est essoufflé dès la pandémie. Depuis, le club se retrouve prisonnier d’un niveau de dépenses devenu incompatible avec sa performance sportive actuelle et la contraction de ses revenus.

Malgré une réduction significative de la masse salariale (-25,4 %), ramenée à 113,96 millions d'euros, celle-ci représente encore 98,9 % du chiffre d'affaires net. Dans ces conditions, le club n'avait plus aucune marge pour éviter un nouveau déficit : son efficacité opérationnelle était quasi-nulle. A cela s'ajoutent les charges d'approvisionnement, limitées à 10,42 millions d'euros (-6 % en un an), ainsi que les autres charges d'exploitation, réduite à 25,70 millions d'euros (-27,4 %).

Malgré ces efforts, le poids des coûts d’exploitation reste écrasant : à 150,08 millions d’euros, il dépasse largement la capacité de génération de revenus. Les autres revenus d’exploitation, à 2,66 millions d’euros, ne constituent qu’une plume dans cette balance déséquilibrée, qui bascule inéluctablement vers un EBITDA négatif de 32,24 millions d’euros. Cette fragilité se reflète également dans la trésorerie, très affectée cette saison avec une variation négative de 95,96 millions d’euros, dont 70,93 millions proviennent des activités ordinaires du club.

Le trou s'agrandit encore

Le Sevilla FC n'a jamais été un modèle de rentabilité structurelle. Tant que le terrain jouait en sa faveur, le club pouvait investir massivement dans l'optique de valoriser puis revendre ses joueurs. Un modèle qui compensait ses déséquilibres opérationnelles et lui permettait de même distribuer des dividendes à ses actionnaires. Mais depuis 2020, la déflation du marché des transferts a fortement réduit les plus-values, amputant le principal levier qui maintenait l'institution à flot.

Contrairement à beaucoup de clubs, l'entité andalouse ne s'est jamais relevée de la saison 2020/2021, lorsque les plus-values se sont effondrées à 16,93 millions d'euros — contre 65,43 millions l'année précédente — provoquant une première chute brutale, avec 41,36 millions d'euros de pertes nettes. Malgré cette alerte sérieuse, le terrain continuait d'offrir un répit : l'équipe restait compétitive, maintenant artificiellement en vie un modèle dont les fondations se lézardaient. Le club poursuivait ainsi sur une trajectoire dangereuse, conservant un niveau de dépenses supérieur à sa capacité réelle de génération de revenus, jusqu'à la saison fatidique 2023/2024 où l'équilibre s'est définitivement rompu.

Les mauvaises performances ont mécaniquement déprécié la valeur des joueurs sur le marché. En 2024/2025, le Sevilla FC a terminé 17e de LaLiga, à un seul point du CD Leganés, premier relégable. Une saison passée au bord du gouffre sportivement et qui a fortement limité ses marges sur le marché des transferts.

Les plus-values n'ont rapporté que 5,71 millions d'euros, soit une hausse dérisoire de 6,7 % par rapport à la saison précédente. Un montant très insuffisant pour absorber l'EBITDA négatif, mais aussi pour couvrir les amortissements — bien qu'en forte baisse de 43,7 % — qui atteignent encore 27,46 millions d'euros.

Naturellement, le résultat d'exploitation s'enfonce à -49,25 millions d'euros. A ce déficit déjà massif s'ajoute le coût de la dette, en hausse après l'opération de financement conclue avec Goldman Sachs en mars 2024 pour renforcer la trésorerie : les charges financières grimpe ainsi à 10,99 millions d'euros. Certes quelques produits financiers sont venus atténuer l'impact, ramenant le coût financier net à -4,81 millions, mais l'essentiel était déjà joué : les pertes nettes étaient inévitables.

En cinq exercice, le Sevilla FC a accumulé 221,33 millions d'euros de pertes — un montant vertigineux qui, sans les mesures gouvernementales post-pandémie et le prêts participatif de CVC comptabilisé en quasi-fonds propres, aurait probablement précipité le club vers la faillite.

Comment sortir de ce guêpier

La perfusion Covid accordée par le gouvernement arrive à son terme à la fin de l’exercice en cours. Dans ce contexte, l’issue déficitaire de 2024/2025 n’a laissé aucune marge de manœuvre à la direction de Nervión, contrainte d’agir sans délai. Dès l’intersaison, le club a donc enclenché un plan d’urgence essentiellement passif, orienté vers l’assainissement du bilan. Les ventes réalisées durant l’été ont ainsi généré 28,39 millions d’euros de plus-values et surtout un apport de trésorerie immédiat de 41,55 millions d’euros — une bouffée d’oxygène indispensable pour stabiliser un club en situation de tension extrême.

Simultanément, la direction a engagé une politique drastique de réduction de la masse salariale. Les ventes estivales ont non seulement apporté de la trésorerie, mais aussi permis d’abaisser les coûts de personnel de 13,97 millions d’euros. Cette double action confirme que le club est entré dans une phase de désinvestissement forcé de son effectif : une étape devenue incontournable pour réaligner la structure de coûts sur un niveau de revenus en nette contraction, et ainsi garantir la survie financière du Sevilla FC à court terme.

Ces opérations coup de poing ne sont qu’un pansement destiné à ralentir l’hémorragie. Le Sevilla FC devra impérativement retrouver un niveau sportif conforme à ses ambitions tout en ajustant celles-ci aux moyens réels du club — un exercice délicat dans une institution portée par un palmarès prolifique et un environnement social exigeant.

Mais au-delà du terrain, l’enjeu déterminant pour le long terme reste ailleurs : retrouver la paix sociale entre actionnaires. La guerre familiale qui paralyse aujourd’hui la gouvernance empêche toute augmentation de capital, pourtant nécessaire pour renforcer les fonds propres et sortir le club de l’impasse. Tant que ce blocage persiste, la situation financière ne peut que se détériorer davantage.

Au final, l’exercice 2024/2025 confirme l’ampleur d’une crise désormais structurelle, nourrie à la fois par la contraction des revenus, la perte de compétitivité sportive et une gouvernance fragmentée. Les mesures d’urgence engagées cet été offrent un répit, mais ne sauraient constituer une stratégie. Pour retrouver un cycle vertueux, le Sevilla FC devra simultanément restaurer sa performance sur le terrain, assainir durablement ses finances et apaiser son architecture décisionnelle. Faute de quoi, l’institution andalouse continuera de naviguer en équilibre instable, suspendue entre son passé glorieux et un avenir encore très incertain.


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