FEB Analytics 2025 : Analyse des finances du Sevilla FC

Crédit image : Sevilla FC

Au fil des saisons, le fossé financier se creuse pour le Sevilla FC, qui peine à retrouver la rentabilité depuis maintenant quatre ans. Le club hispalense a clôturé la saison 2023/2024 avec une perte nette de 81,72 millions d'euros, soit presque l'équivalent du déficit cumulé des trois saisons précédentes (85,45 millions d'euros). Cette situation financière préoccupante s'ajoute à des problèmes institutionnels persistants, tandis que les recettes du club ont souffert des performances sportives décevantes de la dernière saison. Malgré des efforts insuffisants pour maîtriser les dépenses, la dette continue de croître, plongeant davantage le patrimoine net dans le rouge.


Une chute drastique du chiffre d'affaires


Le Sevilla FC fait face à un problème structurel préoccupant. Porté par un modèle de trading qui a fait son succès financier et sportif dans la seconde moitié des années 2010, le club voit désormais cette dynamique s'essouffler, au point d'accumuler des déficits chroniques depuis la pandémie. Bien que les performances sportives relativement solides des dernières saisons aient permis de porter le chiffre d'affaires net au-dessus de la barre des 200 millions d'euros en 2022/2023, la baisse de performance en Liga et l'absence de résultats européens significatifs ont précipité une crise majeure dans son activité ordinaire la saison dernière.



La saison 2023/2024 s'est ainsi achevée sur une baisse de 18,4 % du chiffre d'affaires net, qui s'établit désormais à 174,97 millions d'euros. L'élimination précoce en Ligue des Champions, sans repêchage en Ligue Europa, a été un facteur clé de cette baisse. Cette contre-performance a réduit drastiquement les paiements de l'UEFA, passés de 80,39 millions en 2022/2023 à 55,53 millions d'euros. En conséquence, les recettes liées aux compétitions ont chuté de 27,6 % sur un an, pour atteindre 61,78 millions d'euros.


Si les fans ont réaffirmé leur attachement au club en maintenant les revenus des abonnements à 15,50 millions d'euros (-1,4 %), la 14e place obtenue en Liga a durement impacté les recettes audiovisuelles et commerciales. Les droits télévisés (dans lesquels CVC ponctionnent 3 % dans le cadre LaLiga Impulso) ont enregistré une baisse de 11,9 %, ramenant les revenus à 73,54 millions d'euros, alors que le club percevait au moins 80 millions d'euros lors des cinq saisons précédentes. Du côté des activités commerciales, une diminution encore plus marquée de 18,7 % a été observée, avec des recettes s'établissant désormais à 24,15 millions d'euros.



Ainsi, le Sevilla FC a enregistré un chiffre d'affaires net de 174,97 millions d'euros en 2023/2024, contre 214,30 millions d'euros lors de la saison précédente, marquée par sa victoire en Ligue Europa. Il convient toutefois de noter que ce montant reste supérieur aux 135,42 millions d'euros de la saison 2018/2019, reflétant une croissance annuelle moyenne de 5,3 % depuis cette période. Cette progression a été portée par l'excellent travail réalisé dans le secteur commercial.


La multiplication des contrats de sponsoring, tant sur le marché national qu'international, a été un levier essentiel de cette croissance. Ce secteur a enregistré une progression moyenne annuelle de 6,4 %, atteignant près de 30 millions de revenus en 2022/2023. Cependant, la baisse du chiffre d'affaires net cette saison ramène le club à des niveaux comparables à ceux de la saison 2020/2021, bien que dans un contexte différent, sans les restrictions liées à la pandémie qui frappaient alors durement le football mondial.



La diminution du chiffre d'affaires net s’est également reflétée dans les recettes d’exploitation, car c'est sa principale composante. Celles-ci se sont établies à 176,93 millions d’euros, contre 224,71 millions d’euros la saison précédente. Les autres recettes d’exploitation, plus volatiles, ont chuté de 81,6 %, s’élevant à seulement 1,90 million d’euros par rapport à 2022/2023. Cette baisse s’explique par l’absence de revenus significatifs liés à la vente et au prêt de joueurs, ainsi qu’à la non-mise à disposition des joueurs du club pour les sélections nationales durant la saison 2023/2024 en raison de l'absence de compétitions majeures. Ces deux éléments avaient rapporté plus de 8 millions d’euros au total lors de la saison précédente. Enfin, les subventions publiques se sont élevées à 57 000 euros, complétant les recettes d’exploitation.


Les charges d'exploitation : le réel problème


La baisse des revenus a été l’un des facteurs majeurs des pertes subies par le Sevilla FC. Cependant, un autre problème majeur, souligné par le président Del Nido Carrasco, demeure non résolu. Dès sa prise de fonction, le président avait annoncé que la masse salariale représentait le principal souci du club et que sa réduction était un objectif prioritaire. Bien que cette dernière ait diminué de 9,1 % par rapport à l’année précédente, s’établissant à 159,06 millions d’euros, elle continue néanmoins de peser lourdement sur les finances du club.


Malgré cette réduction, la masse salariale reste extrêmement élevée, consommant 89,9 % des recettes d’exploitation, bien au-delà des 70 % recommandés par l’industrie, et même des 80 % fixés par l’UEFA comme limite à ne pas dépasser. Cette situation met le club en difficulté vis-à-vis du contrôle financier de LaLiga, qui impose chaque année un plafond pour les coûts du personnel sportif.


Il est important de préciser que le coût du personnel sportif diffère de la masse salariale mentionnée précédemment, car il inclut non seulement les salaires des joueurs, mais aussi les coûts liés à leurs acquisitions, tels que les amortissements, les honoraires d'agents, etc. Au cours de la saison 2023/2024, les salaires du personnel sportif ont diminué de 9,6 %, s'établissant à 137,71 millions d'euros.


Le club a également réduit ses amortissements liés aux acquisitions de joueurs de 8,36 % pour les porter à 45,66 millions d'euros. Ces baisses ont contribué à une réduction globale du coût du personnel sportif de 6,7 %, à 189,76 millions d'euros. Cependant, ce montant reste au-delà de la limite de 152,29 millions d'euros fixée par LaLiga, ce qui aura des conséquences sur la saison 2024/2025, que nous aborderons un peu plus loin dans l'analyse.



En dehors de la masse salariale, les autres charges d'exploitation ont diminué de 11,3 %, s'établissant à 35,38 millions d'euros, tandis que les approvisionnements en matériels sportifs ont augmenté de 18,2 %, atteignant 11,10 millions d'euros. Par conséquent, le total des charges de fonctionnement du club (OPEX) a baissé de 8,4 %, pour atteindre 205,54 millions d'euros. Bien que cette réduction soit notable, elle reste insuffisante face à l’ampleur de la baisse globale des revenus.


Des résultats en chute libre


Face à des coûts de fonctionnement supérieurs aux recettes d'exploitation, le Sevilla FC a enregistré un EBITDA négatif de 28,62 millions d'euros, alors qu'il avait à peine été positif la saison précédente, avec environ 390 000 euros. Le système de trading, qui, avant la pandémie, permettait au club de générer d'importantes plus-values sur la vente de joueurs, compensait les faibles EBITDA ainsi que les amortissements. Cependant, depuis la crise liée à la pandémie et l'assèchement du marché des transferts, le club peine à réaliser des ventes générant des plus-values conséquentes.


La saison 2023/2024 a enregistré les plus faibles plus-values de ces dernières années, avec seulement 5,35 millions d'euros, bien insuffisants pour compenser l'EBITDA négatif et les charges d'amortissement, qui ont atteint un total de 48,78 millions d'euros. En conséquence, le Sevilla FC a clôturé la saison avec un résultat d'exploitation déficitaire de 75,61 millions d'euros, soit cinq fois plus que le déficit d'exploitation enregistré lors de la saison précédente.


La situation s'est encore aggravée avec l'augmentation des charges financières due à un endettement croissant ramenant le résultat financier à -6,11 millions d'euros et le résultat net à -81,72 millions d'euros. Ce déficit, le plus important enregistré par le club au cours des quatre dernières saisons, équivaut au cumul des pertes des trois exercices précédents. Il plonge également le patrimoine net dans le rouge.



Face à ce déséquilibre, le conseil d'administration a été contraint de se tourner vers des institutions financières pour renforcer les liquidités du club. Sur le plan des flux de trésorerie, le club, qui parvenait auparavant à maintenir un flux positif sur ses activités d'exploitation malgré les pertes, a été en déficit en 2023/2024, atteignant -32,78 millions d'euros. Cela signifie que le club doit emprunter ou désinvestir massivement pour financer ses opérations courantes. Ce chiffre illustre l'ampleur de la crise financière que traverse le Sevilla FC, montrant qu'il s'agit plus d'une détérioration structurelle que conjoncturelle.


Une situation financière inquiétante


La perte nette enregistrée a plongé le patrimoine net du Sevilla FC dans le rouge, atteignant -68,67 millions d'euros. La valeur de ce patrimoine, qui s'élevait à 101,56 millions d'euros à la clôture de la saison 2019/2020, s'est érodée au fil des quatre dernières saisons, marquées par un cumul de 167,17 millions d'euros de pertes. Par ailleurs, afin de maintenir sa trésorerie, le club a dû accroître son endettement, malgré des tentatives précédentes de réduction.



En plus du financement participatif de LaLiga-CVC, étalé sur cinquante ans, dont l'encours s'élève à 79,44 millions d'euros, le Sevilla FC a une dette financière de 26,97 millions d'euros, soit une réduction de 55,3 % par rapport à la saison précédente. Cette baisse est liée au plan de financement facilité par Goldman Sachs, qui a permis au club de lever plus de 108 millions d'euros pour rembourser son encours à court terme en 2023/2024.


Au 30 juin 2024, les dettes liées aux achats de joueurs s’élevaient à 32,16 millions d’euros, marquant une baisse de 29,3 %. En revanche, les dettes fournisseurs et autres dettes ont augmenté de 50,6 % en raison du plan de financement évoqué précédemment. Par ailleurs, la part à court terme, estimée à 83,32 millions d’euros, correspond principalement aux salaires en attente de paiement au 30 juin 2024, que le club doit régler en juillet, ainsi qu’aux obligations dues aux administrations fiscales.


En somme, le Sevilla FC a vu son encours de la dette augmenter de 27,3 % en un an, atteignant 330,61 millions d’euros, dont 119,74 millions à rembourser au cours de la saison 2023/2024. La bonne nouvelle dans cette hausse est que le club a su réagir à temps en se refinançant et en restructurant son passif, évitant ainsi une situation d’insolvabilité. Cette stratégie proactive lui a permis de clôturer la saison avec un solde de trésorerie de 135,20 millions d’euros, renforçant son actif à court terme, désormais établi à 213,20 millions d’euros, et ramenant son fonds de roulement à un solde positif de 29,07 millions d’euros. Cela signifie que pour cette saison 2024/2025, le club dispose d'une marge pour couvrir ses engagements à court terme.



Bien que le refinancement ait été essentiel pour éviter une crise majeure, il a considérablement réduit les capacités d’investissement du club. Le Sevilla FC n’a pas communiqué son budget prévisionnel pour la saison en cours, ce qui complique l’analyse des recettes attendues, cependant, il est certain que celles-ci seront inférieures à celles de 2023/2024. L’absence de compétitions européennes représente un manque à gagner important, et LaLiga a déjà fixé des limites strictes en réduisant le plafond du coût du personnel sportif à seulement 2,50 millions d’euros.


Cette limitation s’explique par les pertes cumulées au cours des dernières années, l’augmentation de la dette et le fait que les capitaux propres soient désormais négatifs. Il est évident que ce plafond imposé par LaLiga ne pourra pas être respecté. Par conséquent, le club devra s’efforcer d’améliorer sa situation financière dans les années à venir, tout en faisant face à des restrictions significatives sur le marché des transferts.


Quelles perspectives pour le Sevilla FC


Rétablir une limite salariale convenable pourrait passer par une augmentation de capital. Plusieurs clubs de LaLiga ont recours à ce levier pour retrouver une marge de manœuvre, permettant de poursuivre leurs investissements aussi bien sur le plan sportif qu’au niveau des infrastructures. Pour le Sevilla FC, cette option n’est pas exclue, mais les divergences entre actionnaires rendent sa mise en œuvre, pour l’heure, impossible.


Outre les défis financiers, le Sevilla FC traverse une période de tensions internes marquées par un conflit de gouvernance. Celui-ci oppose José María Del Nido Benavente, président du club jusqu’en 2019, à son fils José María Del Nido Carrasco, président actuel, et à José Castro, vice-président actuel et président entre 2019 et 2023. Au cœur du conflit se trouve la volonté de Del Nido Benavente de reprendre la présidence. Bien qu’il ait rassemblé une majorité d’actions, suffisante pour exercer ce droit, il est limité par un accord signé en 2019, connu sous le nom de "pacte de gouvernance".


Ce pacte, conçu pour instaurer une alternance pacifique entre les principaux actionnaires, prévoyait que Del Nido Benavente puisse reprendre la présidence en novembre 2023. Cependant, ses tentatives répétées pour casser cet accord l’ont empêché de bénéficier de cette disposition. À son adoption en 2019, ce pacte symbolisait une "paix sociale" après des années de conflits internes, avec des mesures controversées comme la rémunération des membres du conseil d’administration (1 % des revenus du club) et une hausse des dividendes versés aux actionnaires, atteignant 44 euros par action.


Dès 2020, Del Nido Benavente a néanmoins changé de stratégie, multipliant les actions judiciaires et contestant ouvertement la gestion de José Castro et de son fils, qui était alors vice-président. Ces querelles internes, aggravées par une saison sportive chaotique, ont accentué les divisions au sein du club et terni son image publique.


Aujourd’hui, Del Nido Benavente se trouve dans une position paradoxale : bien qu’il puisse prétendre à la présidence grâce au pacte de gouvernance, ses propres initiatives visant à rompre cet accord l’ont conduit à perdre son droit de vote lors des dernières assemblées générales. Soutenu par une partie des actionnaires minoritaires – frustrés notamment par la rémunération des membres du conseil – il incarne un mécontentement croissant face à la gestion actuelle du club.


Le Sevilla FC se retrouve donc au cœur d’une lutte de pouvoir qui fragilise ses ressources et sa stabilité. Entre ambitions personnelles, tensions familiales et divisions au sein du conseil d’administration, le club affronte des défis institutionnels majeurs. Dans ce contexte, le conseil actuel, dirigé par Del Nido Carrasco, s’efforce d’apporter des ajustements pour redresser la situation, tout en étant confronté à des obstacles financiers et sportifs de plus en plus pressants.


À ce jour, le Sevilla FC élabore des plans de diversification pour générer de nouveaux revenus, en capitalisant sur son stade emblématique, le Ramón Sánchez-Pizjuán. Ces initiatives, estimées à rapporter environ 1,7 million d'euros par an, visent à transformer le stade en un lieu d'activités tout au long de l'année, et non plus uniquement les jours de match. Trois axes principaux sont envisagés :


  • Le stadium Tour : proposer des visites guidées pour les supporters et les touristes.
  • Sevilla FC Events : accueillir des événements non sportifs (concerts, conférences, etc.).
  • Experiencias Matchday : créer des activités spéciales les jours de match.


Ces efforts de diversification sont louables, mais ils ne suffiront pas à résoudre les problèmes structurels du club. Le Sevilla FC doit impérativement retrouver le chemin de la rentabilité. Pour cela, les conflits internes doivent cesser, et les actionnaires doivent unir leurs forces pour aider le club à se remettre sur de bons rails.


Le principal défi reste la structure de coûts élevée. Si les charges salariales doivent être réduites pour respecter les contraintes budgétaires, une diminution trop importante risque d’affaiblir la compétitivité sportive. Or, dans l’univers du football, les performances sur le terrain restent un pilier fondamental pour générer des revenus durables, car elles incarnent l’essence même de ce sport.


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