Clásico : Au delà du terrain, la lutte pour la suprématie financière

Clásico 2024 : rivalité sportive et financière entre le Real Madrid et le Barça, avec enjeux économiques autour des stades rénovés et des revenus.
Crédit image : LaLiga

Alors que le Santiago Bernabéu s'apprête à vibrer le 26 octobre, le Clásico entre le Real Madrid et le FC Barcelona se joue bien au-delà du terrain. Ce duel légendaire entre les deux géant du football espagnol et mondial symbolise la rivalité sportive, mais aussi économique, entre deux clubs aux visions distinctes, mais aux ambitions commune : dominer, non seulement sur le terrain, mais dans tous les aspects du football mondial. L'affrontement de cette saison met en lumière une réalité : les batailles financières et stratégiques sont devenues tout aussi cruciales que les performances sur le gazon.


Un Real Madrid déjà positionné face à un Barça en transition


Dans cette guerre économique, le Real Madrid a pris une longueur d'avance significative. Sous la direction de Florentino Pérez, le club madrilène a franchi un cap historique en 2023/2024, atteignant un chiffre d'affaires de 1,07 milliard d'euros, devenant ainsi le premier club au monde à dépasser le milliard de revenus d'exploitation, hors ventes de joueurs et recettes exceptionnelles. Cette augmentation de 27 % par rapport à l'année précédente est le résultat d'une stratégie commerciale redoutablement efficace. Avec des revenus provenant du marketing, des partenariats et des jours de matchs totalisant environ 400 millions d'euros, le succès économique du Real Madrid semble inébranlable.


Avec Emirates et Adidas comme partenaires majeurs, le club merengue a renforcé son secteur commercial en ajoutant un nouveau sponsor sur son maillot en février dernier. L'accord de sponsoring avec HP, rapportant environ 70 millions d'euros par an, a constitué un pilier essentiel des 15,6 millions d'euros de bénéfices réalisés sur l'ensemble de la saison 2023/2024. Ce même exercice a été marqué par le début de l'exploitation du Santiago Bernabéu rénové, ce qui a considérablement augmenté les recettes d'exploitation. Dans un communiqué publié en juillet dernier, le Real Madrid, qui n'a pas encore rendu public ses comptes annuels, a déclaré que les activités du stade avaient généré 200 millions d'euros.


De son côté, le FC Barcelona traverse une période de restructuration, avec des pertes de 90,54 millions d'euros pour la saison 2023/2024. Malgré une communication toujours optimiste, le club attribue cette contre-performance en grande partie aux travaux de rénovation du Spotify Camp Nou, qui ont contraint l'équipe à jouer au stade de Montjuïc, réduisant les revenus de jours de match à 126 millions d'euros. Cependant, malgré cette mise en avant de l'impact de Montjuïc, le Barça doit faire face aux conséquences des leviers financiers activés dans sa filiale Barça Vision, dont les impayés ont conduit à la provision de 135 millions d'euros en créances douteuses.


Malgré cette saison difficile, Joan Laporta et son équipe considèrent cette période comme temporaire. Une fois le Camp Nou entièrement rénové, le Barça espère générer jusqu'à 250 millions d'euros par an grâce à son exploitation. L'ambition du club ne se limite pas seulement à son stade. Les revenus commerciaux ont considérablement augmenté, atteignant 373,72 millions d'euros. Pour la saison en cours, les Blaugrana anticipent jusqu'à 446 millions d'euros pour leur secteur commercial. Cette croissance est alimentée par un partenariat en renégociation avec Nike et par l'expansion de la filiale de merchandising, BLM. Bien que cette stratégie soit risquée, elle témoigne de la détermination du club catalan à renforcer sa marque sur la scène mondiale et à réduire l'écart financier avec Madrid.


Bien que le Barça semble mieux outillé sur le plan commercial, le Real Madrid a changé de fusil d'épaule depuis l'investissement du fonds Providence dans ce secteur. L'arrivée de HP a marqué un tournant apposant pour la première fois un logo sur la manche du maillot immaculé. Depuis deux ans et grâce également à ses victoires en Ligue des Champions, le club madrilène est très actif dans les activations de nouveaux partenariats. Récemment, Orange a remplacé Telefonica comme partenaire de télécommunications. Volt et Ouro ont été ajoutés au portefeuille du club la saison dernière pour étendre la visibilité de la marque. Une ouverture est également observée vers le Moyen-Orient où Visit Dubai et la banque saoudienne d'investissements ont activé des relations de sponsoring.


Pour le Barça, en dehors des partenariats de l'équipe première dirigée par Spotify et Nike, qui représentent les deux tiers de l'ensemble du secteur commercial, le BLM commence à s'imposer comme source de revenus significative, dépassant les 100 millions d'euros de revenus en 2023/2024. Le club compte s'appuyer encore sur les atouts de cette filiale pour maintenir la croissance de ce secteur. La gestion optimale des filiales reste un des soucis majeurs du club, comme en témoignent Barça Vision, qui, depuis son lancement dans l'univers des NFT et du metaverse peine vraiment à décoller causant en grande partie les pertes de la saison dernière.

Le Real Madrid, n'ayant pas encore publié officiellement ses comptes annuels de la saison 2023/2024, a annoncé des recettes de d'exploitation de 1,07 milliard d'euros, creusant encore une fois son écart avec le Barça, dont l'activité ordinaire a généré 761,32 millions d'euros.


Les stades comme investissements stratégiques


Dans cette quête de grandeur, le Real Madrid et le FC Barcelona misent sur leurs stades pour catalyser leur croissance. La Casa Blanca a consacré 1,2 milliard d'euros à la modernisation du Santiago Bernabéu, financé par trois prêts échelonnés sur trente ans. La première phase a été bouclée en avril 2019 avec un prêt de 575 millions d'euros, à un taux fixe de 2,5 %. En décembre 2021, une révision du projet a conduit à un emprunt supplémentaire de 225 millions d'euros à un taux fixe de 1,53 %, suivi en novembre 2023 d'une extension de 370 millions d'euros, dont le taux d'intérêt reste confidentiel.


Avec ce projet, la dette totale du Real Madrid atteignait 1,7 milliard d'euros à la fin 2023, avec un remboursement annuel de 66 millions d'euros environ prévu dès 2026, une fois toutes les périodes de grâce de trois ans écoulées. En transformant le Bernabéu en un complexe multifonctionnel, le club espère générer des revenus stables tout au long de l'année et consolider son statut iconique dans le football mondial.


Cependant, cette initiative n'est pas sans difficultés : des soucis d'insonorisation et les plaintes des riverains ont entraîné la suspension des événements extra-football jusqu'en mars 2025. Cette décision complique temporairement l'exploitation du Bernabéu, pourtant une source de revenus partagée avec Legends et Sixth Street, partenaires ayant investi 360 millions d'euros en échange d'un partage des bénéfices pendant 20 ans.


Du côté du FC Barcelona, l'investissement dans le projet Espai Barça est encore plus ambitieux, avec un budget total de 1,45 milliard d'euros. Contrairement au Real Madrid, le Barça s'est tourné vers les marchés financiers pour lever des fonds par l'émission d'obligations. Ce projet financé par une vingtaine d'investisseurs comprend la rénovation du Camp Nou, du Palau Blaugrana et d'autres infrastructures, dont le musée. Le remboursement s'étend jusqu'en 2047, mais à des taux d'intérêt élevés de 5,94 % à 7,22 %, ce qui alourdit les charges financières du club.


À la date du 30 juin 2024, le club avait émis des obligations pour 1,03 milliard d'euros, complétées par des lignes de crédit de 375 millions d'euros auprès de Goldman Sachs, JP Morgan et MUFG Bank. Ces opérations ajoutées aux dettes courantes, ont porté la dette totale du Barça à 2,4 milliards d'euros à la fin de la saison 2023/2024, avec une première échéance de remboursement pour l'Espai Barça en 2028 pour deux obligations de 95 et 27,5 millions de dollars, ainsi que l'intégralité de la ligne de crédit.


Sous cette pression financière, le Barça a décidé d'accélérer son retour au Camp Nou dès 2025, sans attendre la fin des travaux prévue en 2026. Selon les estimations du club, ce retour anticipé pourrait rapporter environ 154 millions d'euros, issus des abonnements, des recettes de billetterie, du musée, et des services de restauration confiés à Aramark. Les revenus actuels à Montjuïc sont actuellement bien inférieurs.



Les stades : moteurs de transformation urbaine et sociale


En dehors des revenus qu'ils génèrent pour les clubs, les stades jouent un rôle essentiel dans la transformation de leur environnement et le développement des communautés locales. Les grands événements sportifs, tels que le Clásico , ne se limitent pas à une rencontre sur le terrain ; ils sont également des catalyseurs d'activité économique et d'innovation urbaine. En effet, les stades modernes sont conçus pour être des espaces multifonctionnels, pouvant accueillir une variété d'événements allant de concerts à des conférences, en passant par des festivals et des foires. Cette polyvalence augmente non seulement la rentabilité, mais contribue aussi à revitaliser les quartiers environnants.


De plus, les stades deviennent des lieux de rencontre et d'échange culturel, favorisant un sentiment d'appartenance et d'identité locale. En offrant des espaces pour des activités communautaires, ils renforcent les liens sociaux et contribuent à l'animation des quartiers. En ce sens les stades transcendent leur fonction initiale pour devenir des centres névralgiques de l'activité sociale et économique.


En tant que clubs sociaux, ni le Real Madrid ni le Barça ne peuvent compter sur des actionnaires pour combler les déficits financiers, comme peuvent le faire certains grands rivaux européens. Leur modèle repose donc sur une diversification accrue de leurs revenus afin de rester compétitifs. Toutefois, cette stratégie comporte des risques, notamment celui d’un surendettement qui menace directement leur stabilité. Conscients de cette réalité, les dirigeants du Barça envisagent un refinancement rapide de leur dette, tandis que le Real Madrid, avec une baisse drastique jusqu'à 82 millions d'euros de sa trésorerie disponible au 30 juin 2024 — un des niveaux les plus bas de la décennie — pourrait voir sa marge de manœuvre réduite si les revenus attendus n’atteignent pas les prévisions.


De plus, les retards dans les travaux de construction ou des difficultés d’exploitation sont des risques critiques pour l’équilibre budgétaire. Côté Barça, tout décalage dans la livraison de l’Espai Barça compromettrait le calendrier de remboursement de leur dette. Quant au Real Madrid, la suspension temporaire des événements extra-football au Bernabéu pourrait fortement réduire les recettes de cette saison, ajoutant une pression supplémentaire sur la trésorerie du club.


Conclusion : le Clásico, entre défis économiques et rivalité éternelle


En cette saison 2024/2025, le Clásico incarne autant un défi économique qu'un duel sportif. Avec des stratégies distinctes, le Real Madrid et le FC Barcelona sont engagés dans une bataille sans fin pour la suprématie. D'un côté, le Real Madrid, à la croissance méthodique et stable, et de l'autre, le Barça déterminé à surmonter les défis financiers pour revenir au sommet. Par ailleurs, sur l'aspect sportif, l'historique des dernières années penchent la balance en faveur des joueurs de la capitale, même si cette saison, avec  leur performance et leur  constance dans le jeu, les Blaugrana partent avec un léger avantage.


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