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15 août 2020

Cette fois-ci, Bartomeu a touché le fond

Josep Maria Bartomeu président du Barça

(Crédit image : Tribuna)


Barca 2 - Bayern 8. Ce n'est pas un rêve. C'est bien le score du quart de finale de Ligue des Champions qui s'est déroulé vendredi à Lisbonne. Au stade de Luz, l'entité blaugrana a connu la « lose ». Une descente aux enfers entamée depuis que le président actuel est à la manette. Il a débuté sur un triplé en 2015 qui l'a aveuglé. Depuis, le club a resserré sa rentabilité. Les revenus augmentent, les dépenses explosent combinées avec des choix de joueurs plus que discutables. Certains membres de la direction, le vestiaire, les socios, tout le monde remet en cause le modèle de gouvernance et les contrôles internes d'un club qui enchaîne les désillusions depuis cinq ans.


Son début de mandat était bouleversé, comme maintenant ce qui annonce la fin d'un cycle de cinq ans au cours duquel Josep Maria Bartomeu n'a pas vécu au moins une saison tranquille à la tête du FC Barcelone. Après trois désillusions consécutives en Ligue des Champions qui n'ont jamais ouvert ses yeux sur le niveau sportif de l'équipe, il fallait une sacrée vraie humiliation pour qu'il se rende compte des blessures qu'il a infligées à un club aussi respectueux et respecté. Le Barça a gagné quatre des cinq dernières éditions de LaLiga, mais comment ? Leo Messi a toujours porté une équipe qui  collectivement n'y arrivait plus. Toutefois, le mal de ce club n'est pas que sur le terrain. La plaie est bien plus profonde. L'institution est fragile, économiquement, ça tangue et sportivement, une humiliation pousse l'autre. Analyse d'une défaillance totale de la direction de Bartomeu sur ces trois blessures qu'il a causées et qu'il n'a jamais tenté de résorber.


Une gestion économique scandaleuse


Le sentiment de mauvaise gestion dans le club est perçu dans les bureaux du Camp Nou, mais aussi dans l'industrie du sport, où la capacité de certains des grands dirigeants blaugranas est remise en question. Depuis la fin de la présidence de Sandro Rosell jusqu'à maintenant, les finances ont été et sont toujours le talon d’Achille du Barça.


Paradoxalement, c'est le club de football qui a le budget le plus élevé au monde, mais qui, chaque année, voit sa rentabilité se rétrécir. L'une des principales raisons est l'ambition obsessionnelle de la direction actuelle de se présenter comme le premier club milliardaire en termes revenus. De ce fait, le conseil d'administration a ouvert les vannes des dépenses au même rythme que le chiffre d'affaires augmentait, voire même plus.



Les plafonds d'endettement que le club s'était auto-imposé sont brisés. Et celui qui n'aime pas la manière dont Bartomeu fait sa loi, sait déjà où se trouve la porte. Les deux premiers à descendre du bateau étaient Ramón Adell et Javier Faus. Le premier était le président de la commission économique et le deuxième vice-président chargé du même secteur et idéologue d'une réforme des Statuts pour protéger le Barça d'une mauvaise gouvernance.


Faus est parti pour ne pas voir sa réputation se ternir dans le projet démesuré de Bartomeu après avoir subi de fortes pressions pendant la période électorale pour recruter Ardan Turan contre toutes les recommandations de prudence financière.


Le mandat de Bartomeu est marqué par deux problèmes qu'il a lui-même créés. Une confrontation entre urgence sportive et stabilité financière. Il a été incapable d'intercéder en faveur du deuxième élément comme l'a fait Sandro Rosell, qui au début de son mandat a subi de lourdes pertes. Certes c'est sous Rosell que la masse salariale a commencé à croître, mais l'ancien président était devant un dilemme. Il a hérité du Barça de Guardiola avec de jeunes joueurs qui ont nagé sur le monde du foot. De ce fait, les renouvellements de contrats inévitables de cette génération ont provoqué une hausse constante des charges salariales.


Toutefois, la différence entre Rosell et Bartomeu est que le deuxième n'a jamais rien fait pour empêcher cette courbe ascendante. Au contraire, il l'a amplifié sans pour autant avoir le succès sportif de son prédécesseur. Il a licencié Antoni Rossich dès son arrivée et a placé Nacho Mestre au poste de directeur général. Ce dernier n'aura pas fait long feu, remplacé par Óscar Grau, une légende du Barça handball et proche de Bartomeu.


Le directeur général blaugrana est dans la ligne de mire de beaucoup socios, critiqué pour sa gestion économique laxiste et ses opérations plus que discutables sur le marché des transferts. « Il y aura des ventes, on ne se cache pas. Nous pensons que cela devrait être une activité ordinaire du club » a déclaré Grau en septembre 2019, après avoir de nouveau estimé un budget de vente sur un certain nombre de joueurs qui, selon la direction, n'auront pas leur place en équipe première. Peu importe qu'un an plus tôt, le Barça a sauvé ses comptes à la dernière minute.


La première saison de Grau en tant que directeur général, le Barça a franchi pour la première fois la barre des 700 millions d'euros de revenus, mais son bénéfice a été divisé par deux avec 18 millions d'euros gagnés. Cette tendance continue toujours, avec un résultat net qui ne cesse de baisser car l'augmentation des revenus est soutenue par la vente de joueurs et les nouveaux contrats des droits de télévision.



Dans ce système économique plus que douteuse, le comble est arrivé la saison dernière (2018/2019), lorsqu'un maigre bénéfice net de 4,5 millions d'euros a été présenté grâce à la vente de dernière minute de Jasper Cillessen au Valencia CF dans le cadre d'un échange en bon terme entre les deux clubs pour équilibrer leurs comptes respectifs sans nécessité de décaissement d'argent.

 

Autrement dit, la trésorerie détériorée n'a pas été davantage compromise, aucune dette n'a été augmentée, ce qui année après année, a été au centre de l'assemblée de socios.


Il n'y a pas eu une année au cours de laquelle la commission économique n'a mis en garde contre l'effet de levier auquel le Barça était exposé. Mais en 2015, après le départ d'Adell, Bartomeu a mis en place sa commission de pantins pour faire taire les critiques et un an plus tard, il a vu sa vice-présidente économique, Susana Monje, démissionner. Le départ de Monje est dû aux difficultés rencontrées pour imposer les besoins économiques avant les besoins financiers.


La détérioration de la situation a commencé à prendre une autre tournure à l'été 2017 après le départ de Neymar au Paris Saint-Germain pour un peu plus de 220 millions d'euros. Le club a augmenté ses dépenses dans la même mesure, alors qu'il s'agissait d'une opération extraordinaire, et s'est rendu sur le marché à la recherche de joueurs pour atténuer le coup médiatique et renforcer l'équipe. Bartomeu a réagi à chaud au coup donné par le PSG et n'a pas profité des circonstances pour réduire la dette.

L'endettement du FC Barcelone


La forte augmentation des dépenses salariales et des amortissements des signatures a déclenché l'endettement, compromettant dès le départ de ce qui peut être considéré comme le plus gros projet que le club n'ait jamais eu : l'Espai Barça. Une opération de refonte du patrimoine dont le financement n'a fait que creuser la dette. Pour masquer la réalité, le conseil a modifié le système de calcul de la dette nette en 2016/2017 pour adopter une méthode approuvée par LaLiga. Logique dans l’industrie du football, mais largement discutable quand il s'agit de se conformer aux Statuts et de refléter l'évolution réelle de la santé financière.


A LIRE : Analyse économique et financière du Barça : année 2020. Bartomeu doit changer de cap


Bartomeu a fait de l'Espai Barça son projet vedette avec lequel il espérait laisser une trace de sa présidence et finalement il ne sera guère possible. Le financement initial de 600 millions va passer à 815 millions d'euros et un nouveau référendum est nécessaire pour que les socios décident de la marche à suivre. Peut-être même que cette consultation n'aura pas lieu sous son mandat, puisque la destruction d'hier à Lisbonne a remis sur la table l'appel aux élections anticipées. De toute évidence pour commencer à bouger à les grues, comme pour la rénovation du Camp Nou, la dette nette doit tomber au-dessous des 200 millions d'euros, même si récemment, le vice-président économique actuel Jordi Moix a annoncé un début des travaux pour septembre 2020.


À titre de comparaison, la logique du Real Madrid avant la réforme du Bernabéu était de réduire sa dette au minimum et de maîtriser ses dépenses salariales. Tout le contraire de ce qu'a fait Bartomeu, dont la masse salariale sportive est passée de 375 millions en 2015/2016 à une prévision de 507 millions d'euros en 2019/2020. Il n'a pas su imposer les critères de durabilité économique uniquement pour satisfaire certains. Il a fait le contraire de son homologue madrilène, qui a imposé une échelle salariale claire et a invité à tous ceux qui ne voulaient pas s'y soumettre à prendre la porte.


Sur le terrain, le Barça ne fait plus le poids en Europe


Sur le plan sportif, c'est la première fois depuis douze ans que le Barça clôture une saison sans aucun titre, selon le quotidien catalan Sport. Après plusieurs débâcles en Ligue des Champions (Juventus, Roma et Liverpool), la cassure s'est approfondie l'année dernière avec la démission du vice-président sportif, le limogeage du chef de la zone football et la scission évidente entre le vestiaire et la direction.


Lionel Messi devait savoir qu'une telle soirée allait arriver tôt ou tard. (Crédit image : DK221)


Gerard Piqué et Lionel Messi ont publiquement remis en question les méthodes et choix de la direction. À cela, s'ajoutent des chapitres grotesques cette saison, comme le voyage au Qatar de Grau et du secrétaire technique, Eric Abidal, pour offrir le poste d'entraîneur à Xavi Hernández alors qu'Ernesto Vaverde était toujours sur le banc et que le Barça parlait d'une possible continuité.


Une offre clairement rejetée par l'ancienne gloire blaugrana qui s'est simplement justifié en ces mots : « je veux travailler avec des personnes en qui j'ai confiance, avec qui il y a de la loyauté et qui sont des personnes fiables. Il ne peut y avoir de personnes toxiques près du vestiaire ».


Les problèmes dans le domaine sportif ont été fréquents, en particulier dans le football de base. Les socios et les fans ont le sentiment que l'idée de jeu et la méthode conçue par Johan Cruyff que Pep Guardiola a perfectionné, se sont progressivement diluées. Les départs de techniciens et de professionnels réputés ont été une constante, mais celui qui a le plus frappé c'est le limogeage du directeur de la méthodologie, Joan Vilá en 2018.


Désormais, les tensions dans le domaine sportif se sont intensifié en 2019/2020 avec des messages directs du vestiaire envers le conseil d'administration. « Nous devons garder le club uni car si nous ne le faisons pas, nous coulerons tous », avait prévenu Gerard Piqué en septembre dernier. Hier soir, la tristesse et la désolation se lisaient sur son visage après l'humiliation contre le Bayern . « Un match horrible, une sensation néfaste » a-t-il déclaré au coup de sifflet final. « C'est la honte, il n'y a pas d'autres mots, on ne peut pas faire un match comme ça. Ce n'est ni la première, ni la deuxième, ni la troisième fois que ça arrive. J'espère qu'il va se passer quelque chose, le club a besoin de changements, je ne veux montrer personne du doigt », a ajouté le défenseur qui a assuré qu'il serait le premier à partir s'il le faut.

« Nous les joueurs, nous sommes responsables de ce qui se passe sur le terrain et nous sommes les premiers à le reconnaître quand nous n'avons pas été bons. Les responsables de la direction sportive doivent également assumer leurs responsabilités et surtout les décisions qu'ils prennent. Pour finir, je crois que quand on parle de joueurs, il faudrait donner des noms, car sinon, on salit tout le monde en alimentant des choses qui se disent et qui ne sont pas vraies », avait pesté Messi en février dernier contre Eric Abidal.



C'était une critique claire de la politique de recrutement qui aujourd'hui est un échec total. Ousmane Dembélé, ou encore Philippe Coutinho ont coûté chacun plus de 100 millions d'euros. Les deux sont venus juste après le départ de Neymar, mais n'ont jamais donné un rendement convenable sur le terrain. Le Brésilien, prêté au Bayern pour accueillir Antoine Griezmann, a été l'un des bourreaux des Azulgranas vendredi soir. Le Français, quant à lui, a vécu une saison cauchemardesque et symbolise parfaitement la débandade sportive du Barça cette saison. Mais le coup le plus dur reste la troisième fissure, l'institution et la gouvernance.


Une institution qui vacille depuis un bon moment


La crise du Covid-19 a été la dernière étape pour mettre à bas l'institution catalane. Une salve de démissions dans le conseil d'administration et une réduction des salaires qui a engendré l'ire du vestiaire. « On n'est toujours étonné qu'à l'intérieur du club, il y a des gens qui ont essayé de nous mettre sous les projecteurs et ont essayé de faire pression pour quelque chose qu'on avait déjà décidé de faire », a critiqué l'équipe première dans la lettre publiée pour accepter une coupe salariale de 70% pendant l'état d'urgence sanitaire.


Emili Rousaud Barça

Divorce acté entre Rousaud et Bartomeu par le scandale du Barçagate (Crédit image : Foot Mercato)


Tout cela sous l'ambiance du controversé Barçagate, pour lequel le club aurait payé un million d'euros à une entreprise pour surveiller théoriquement sa réputation numérique. Une enquête de la Cadena Ser a révélé qu'I3 Ventures utilisait également de faux comptes sur les réseaux sociaux pour diffamer des joueurs comme Messi et Piqué ou des anciens joueurs comme Xavi et Carlés Puyol ainsi que des opposants  du conseil d’administration. Bien sûr, tout cela avec l'argent du club.


Le problème n'est plus que le conseil a hypothétiquement payé ces actions avec l'argent du Barça, mais cela a mis en lumière un problème de gouvernance et de contrôle interne. Emili Rousaud, vice-président chargé de l'institution qui a démissionné après une invitation à le faire de Bartomeu, a révélé que le contrat avait été scindé en plusieurs paiements afin qu'ils ne dépassent pas 200 000 euros et échapper ainsi à la vigilance des commissaires au contrôle interne.


Ce n'est pas la première fois que des situations de ce type se produisent, car l'ancienne responsable de la conformité du Barça, Sabine Paquer a dû démissionner après trois ans de mandat et de nombreuses pressions internes pour fermer des enquêtes contre certains membres du conseil. Son poste a été repris par Noelia Romero, de la filiale espagnole du fonds d'investissements Blackstone.


Cette dernière finira par prendre la porte au mois de juin dernier, plus d'un an après sa nomination, après l'éclatement du scandale d'I3 Ventures. Comme l'a rapporté le Mundo Deportivo, son départ est intervenu par décision du club alors que PwC était sur le point de remettre l'audit commandé par l'entité pour les travaux menés par I3 Ventures.


Neymar et Bartomeu

Son transfert aura causé des problèmes avec 40 millions du montant convertis en masse salariale à cause de la fraude fiscale. (Crédit image : TT du PSG)


Par ailleurs, un autre exemple plus douloureux est que le Barça est le premier club sportif à être condamné en tant qu'entité morale pour fraude fiscale lors du recrutement de Neymar. L'affaire a été marquée par des demi-vérités sur le prix de l'opération et le club a dû scellé un pacte avec le Fisc et le barreau pour clore ce dossier en échange d'une amende de 5,5 millions d'euros. Même si le Brésilien a été recruté durant le mandat de Rosell, son départ à Paris a ébranlé le club sportivement et deux ans plus tard, Bartomeu tentait de le faire revenir pour satisfaire un vestiaire qui ne lui fait plus confiance.


De nombreux professionnels de la direction ont fini par quitter le club en critiquant le processus décisionnel. Ils ne sont pas compris en tant qu'expert, leurs initiatives finissent par être renversées ou remises en question par des managers qui, quelle que soit leur réputation, n'ont aucune connaissance approfondie de l'industrie du sport et du divertissement.


Depuis sa ratification en tant que président en 2015, Bartomeu a nommé deux directeurs généraux, a restructuré le comité de direction à quatre reprises et a changé les portefeuilles en fonction des crises et des situations compliquées. Le domaine le plus instable est le secteur commercial qui a connu trois administrateurs et qui est la partie la plus importante du chiffre d'affaires du club. 


Au final, l'hécatombe de Lisbonne ne reflète que la gestion catastrophique du club depuis cinq ans. Obsédé par ses projets personnels et sa postérité, Bartomeu a mis le Barça dans une situation financière délicate. Même si les problèmes sportifs et institutionnels peuvent se régler dans le court terme avec les élections qui arrivent pour bientôt, le finances, elles, nagent vers un avenir incertain.

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