Après avoir sécurisé en 2024 un financement de 125 millions d'euros pour restructurer sa dette, le Real Betis s'apprête à franchir une nouvelle étape en mobilisant jusqu'à 250 millions d'euros pour financer la modernisation de son stade Benito Villamarin. En s'appuyant à nouveau sur Goldman Sachs, le club andalou approfondit une stratégie à long terme articulée autour de la solidité financière, de la maîtrise des investissements et de l'optimisation de ses infrastructures.
D'une dette restructurée à un projet de stade autofinancé
Le premier jalon de cette stratégie a été discrètement posé dès juin 2024, avec la signature d'un refinancement structuré de 125 millions d'euros auprès de Goldman Sachs, opération que le club n'a officialisé publiquement qu'en septembre. Ce financement, entièrement inscrit dans les comptes 2023/2024 à la date du 26 juin, a permis de remplacer deux prêts antérieurs aux taux particulièrement élevés (10,62 % et 12,95 %) par une dette unique, plus stable et moins coûteuse.
La nouvelle dette est répartie en cinq tranches, pour un encours initial de 119,1 millions d'euros au bilan, avec un taux d'intérêt moyen fixe de 6,33 %, selon les conditions détaillées dans les annexes. Sa maturité s'étend sur dix ans, incluant une période de grâce de trois ans sans remboursement du capital principal. A partir de 2027 et jusqu'en 2023, le Betis remboursera chaque année la moitié du capital, soit environ 59,55 millions d'euros au total, de façon étalée. L'autre moitié, soit 50 % du montant total, sera remboursée en une seule fois à l'échéance finale en 2034 ; ce remboursement unique est appelé un remboursement "bullet".
Trois tranches sont libellées en euros et deux en dollars ; le club a donc souscrit à un swap de change, c'est-à-dire un contrat financier qui lui permet de convertir à taux fixe les remboursements en dollars en équivalent euros, supprimant ainsi le risque de variation du taux de change sur la durée du prêt.
Sur le plan comptable, cette opération a également généré un produit financier non récurrent de 5,9 millions d'euros, lié à un écart de valorisation favorable sur l'une des tranches, comptabilisé en résultat, jouant un rôle déterminant dans le bénéfice net obtenus. Elle permet ainsi au Betis de réduire le coût moyen de sa dette à environ 6,3 %, de prolonger significativement ses échéances jusqu'en 2034, et de libérer des marges de manœuvre financières à court terme. Un cas d'école de restructuration réussie, alliant maîtrise du risque, coût maîtrisé et flexibilité future.
C'est dans cette continuité que s'inscrit aujourd'hui le projet de rénovation du stade, dont le financement est actuellement structuré par Goldman Sachs, avec la participation de BNP Paribas. Si le montage exact reste à finaliser selon les sources consultés, il pourrait reprendre les contours de l'opération montée en mai dernier pour le Valencia CF : une combinaison de prêt bancaire et d'émission obligataire à très long terme (jusqu'à 28 ans), adossée aux flux futurs générés par le Nou Mestalla.
Le Real Betis affirme que le projet sera autofinancé grâce aux revenus supplémentaires générés par le nouveau Benito Villamarin, dans une logique de neutralité budgétaire. Autrement dit, ces revenus serviront à rembourser le financement. Cette approche, désormais courante dans les grands projets européens, repose sur une anticipation crédible des flux de billetterie, hospitalité, naming ou encore d'événements extra-sportifs.
Replis des revenus, mais résultat net positif
Sur le plan économique, le club verdiblanco a clôturé l'exercice 2023/2024 avec un résultat net positif de 321 893 euros, malgré un recul de 6,75 % du chiffre d'affaires net passé de 148,77 millions à 138,60 millions d'euros. Ce tassement reflète une saison sportive moins réussie, mais l'amélioration du résultat témoigne d'une gestion prudente et d'un certains contrôle des charges.
Le club a par ailleurs procédé à un changement stratégique au sein de sa direction. Juan Useros, artisan du doublement des revenus en deux ans, a quitté la direction du business en décembre 2024. Il est remplacé par Emilio Garcia Duarte, transfuge de la NBA, où il a développé son expertise dans l'optimisation commerciale des franchises sportives. Cette nomination traduit une volonté claire du club de se doter d'outils et de profils plus internationaux pour structurer sa croissance hors terrain.
Vers un Betis plus concentré, mais mieux capitalisé
En parallèle de ses ambitions en terme d'infrastructure, le Real Betis poursuit son travail de recentrage. Après avoir cédé sa section basket en 2023, le club a officialisé la fermeture de sa section futsal, malgré sa montée en Primera Division. Le club invoque ici son Plan Stratégique 2022-2026, qui pose comme condition un modèle omnisport économiquement viable. Faute de solutions pérennes, cette réorientation témoigne d'une volonté de concentrer les ressources humaines, financières et sportives sur le cœur de projet : le football professionnel masculin.
Le club de LaLiga EA Sport confirme ainsi sa transition vers un modèle économique plus intégré, plus lisible et structuré selon des standards financiers exigeants. En quelques mois, le Betis aura :
- augmenté son capital de 42,9 millions d'euros,
- refinancé intégralement son endettement antérieur,
- lancé une opération majeure de financement d'infrastructure,
- renforcé sa gouvernance commerciale,
et rationalisé son périmètre sportif.
Ce double mouvement – restructuration de la dette et investissement long terme – rappelle les trajectoires financières du FC Barcelona, du CA Osasuna ou du Valencia CF, mais avec un positionnement plus discret et sans surenchère. Le Real Betis n'opère pas une fuite en avant. Il structure. Il adapte. Il pose les bases d'un club plus moderne, plus maîtrisé, plus crédible face aux marchés. Une mutation silencieuse mais profonde, qui pourrait bien devenir un modèle de gestion intermédiaire pour les clubs espagnols entre deux eaux : ambitieux, mais encore loin des mastodontes européens.
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