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Image : La Liga F |
Audience au sommet, stades plus remplis, réseaux sociaux en ébullition : la Liga F a bouclé une saison 2024/2025 historique sur le plan médiatique. Pourtant, derrière la vitrine, les fondations économiques restent précaires. analyse d'un paradoxe qui pose plus de questions qu'il n'y paraît.
Une visibilité en plein essor
La Liga F n'a jamais été aussi regardé. En 2024-2025, le football féminin espagnol a dépassé les 6,7 millions de téléspectateurs cumulés à la télévision, soit une hausse de 90 % par rapport à la saison précédente. L'affiche entre le FC Barcelona et le Real Madrid a attiré à elle seule 540 000 spectateurs, contre 130 000 un an plus tôt.
En tribune aussi, les signaux sont aux vert : près de 400 000 spectateurs ont assisté aux matchs dans les stades, en hausse de 7 %. Quarante-quatre rencontres ont été organisées dans de grands stades de Liga - contre 30 l'an dernier - avec des clubs comme la SD Eibar ou le Deportivo Abanca misant sur cette exposition.
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Infographie : La Liga F |
Mais c'est sur les réseaux sociaux que la croissance est la plus spectaculaire : +184 % d'abonnés, 117 millions de vues de contenus, et une interaction record par utilisateur. La Liga F est en train de devenir un produit grand public, séduisant sponsors et diffuseurs. L'arrivée du nouvel énergéticien Moeve comme sponsor titre marque d'ailleurs une nouvelle étape dans cette montée en puissance.
Des revenus redistribués en baisse
Cette hausse de visibilité n'a pourtant pas été synonyme de gains pour les clubs. Comme l'analysait Foot Espagne Business, les revenus TV net ont chuté de 23 % depuis la saison inaugurale de la Liga F, malgré une progression de 22 % des paiements bruts des diffuseurs.
La cause principale : la fin de la subvention gouvernementale de plus de 2 millions d'euros, qui finançait jusqu'en 2023 une partie des coûts de production audiovisuelle. Depuis, ces coûts sont entièrement à la charge de la ligue, ce qui réduit mécaniquement la part redistribuée aux clubs.
En 2024-2025, cette réalité reste inchangée : les clubs se partagent environ 4,8 millions d'euros nets, selon un système mixte (50 % égalitaire, 25 % performance, 25 % exposition médiatique). Mais les plafonds de redistribution – notamment sur la part médiatique – limitent les gains des clubs les plus attractifs, tandis que les plus modestes ne profitent qu'à la marge de la croissance globale.
Un modèle économique contesté
Cette redistribution limitée alimente des tensions juridiques croissantes. Le FC Barcelona et le Real Madrid ont contesté le modèle de commercialisation centralisée des droits audiovisuels et les modalités de répartition mises en place par la Liga F. Le Real a même obtenu en justice la nullité d'un protocole de retransmission, invoquant un manque de transparence économique.
La ligue, de son côté, tente de compenser la baisse des revenus TV par une stratégie de diversification commerciale. Les revenus issus des sponsors et partenaires ont explosé : +85 % en 2023-2024, avec un bond spectaculaire des droits d'image (de 160 000 à 1,9 million d'euros, notamment grâce à EA Sports). L'intégration d'une cellule RSE et le nouveau partenariat avec Moeve illustrent cette volonté de construire un modèle plus solide et durable.
Une ligue à la croisée des chemins
La saison 2024-2025 aura donc été la plus visible, mais aussi l'une des plus tendues en coulisses. Le contraste entre l'expansion médiatique et la stagnation – voire la contraction – des revenus redistribués aux clubs met en lumière les limites du modèle actuel.
L'année 2025-2026 s'annonce décisive : ce sera la dernière à bénéficier d'une aide directe de l'Etat espagnol (7,5 millions d'euros). Ensuite la Liga F devra voler de ses propres ailes.
Reste à voir si la croissance commerciale et l'essor des audiences suffiront à construire un modèle viable, à même de réconcilier les exigences économiques des clubs, les attentes du public et l'ambition d'un championnat devenu symbole de la professionnalisation du football féminin.
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