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LaLiga : La saison 2020/21 de tous les dangers ?

Javier Tebas président de LaLiga
Javier Tebas Medrano, président de LaLiga. (Crédit image : Rtve)

 

Une nouvelle saison a débuté avec son lot de défis et d'incertitudes. Si ceux-ci se limitaient seulement aux performances et aux résultats sur les pelouses, ce serait une saison normale pour tous les dirigeants, mais la situation actuelle de l'industrie du football cause plus de stress qu'un match décisif pour le maintien ou pour le titre. Toutefois, la majorité d'entre eux ne prévoient pas de changements dans le modèle économique, bien qu'ils aspirent à une modération des salaires qui peut se prolonger dans le temps.


Depuis la crise financière de 2008 qui avait mis le football espagnol dans une situation économique lamentable, la relance a été menée par une série de mesures et de contraintes qui ont assaini petit à petit les clubs, quitte à leur faire subir des sanctions inimaginables il y a quelques années. Onze saisons de croissance ininterrompue, sept consécutives de bénéfice et de rentabilité. L'avenir présentait des perspectives encore meilleures avec les juteux contrats télévisuels signés par le patronat dans le monde entier. Les clubs pouvaient enfin investir dans l'attractivité en modernisant les stades vieillissants et en améliorant les installations de formation et d'entraînement pour attirer de jeunes talents et les meilleurs joueurs.


Dans les réunions, les sujets tournaient autour des records à battre, de la façon de converger vers d'autres secteurs naissants pour augmenter l'activité. Mais d'un coup, la Covid-19 est arrivée. L'angle des discussions s'est maintenant orienté vers qui perdra le moins d'argent dans la pire crise que l'industrie ait connue depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. La pandémie a plongé le football dans un état de stress post-traumatique que ni le fair-play financier, ni le contrôle économique de LaLiga n'ont causé à leur époque.


État des lieux


Si le coronavirus était arrivé à la période de la crise financière de 2008, nous ne serions pas ici à estimer les millions d'euros que les clubs espagnols vont perdre. Les estimations seront portées, au contraire, sur le nombre de clubs qui feront faillite. La survie actuelle du football professionnel est due au contrôle économique que LaLiga a mis en place depuis la sortie de cette crise qui a permis à de nombreuses équipes de rétablir leur valeur nette et d'aller sur les marchés pour se financer.


Entre 1999 et 2010, les clubs de LaLiga s'étaient perdus dans une tempête de chiffres rouges. Un déficit moyen de 115 millions d'euros par saison, et ce n'est qu'à partir de 2012 que le soleil a commencé à briller sur le territoire hispanique. Depuis, le bénéfice net tourne autour des 164 millions d'euros avec seulement quelques équipes de deuxième division qui peinent à finaliser leur redressement.



Cependant, la comparaison avec ce qui s'est passé il y a une décennie n'est pas très pertinente puisque la donne a complètement changé depuis. À la fin des années 2000, le football espagnol était en crise de confiance. Les banques avaient fermé leurs portes aux dirigeants en raison des dettes colossales qu'ils portaient sur leur dos. Ce qui a été à l'origine du manque de liquidités et de l'insolvabilité qui avaient entraîné des procédures de faillite. 2020, même si la trésorerie s'est améliorée entre temps, elle n'a pas été suffisante pour encaisser le coup de la pandémie. Mais la grande différence entre les deux crises est que celle que nous vivons actuellement ressemble plus à une baisse temporaire des revenus causée par une situation spécifique.


Une analyse réjouissante, validée par les experts de l'industrie, mais qui n'efface pas la peur qui se lit sur le visage de certains dirigeants surtout ceux des grands clubs européens qui sont bien conscients que la Covid-19 a tapé là où il ne fallait pas.  Le président de la Juventus et président de l'ECA (Association des Clubs Européens, NDLR) l'a bien compris et l'a bien évoqué. « Cela va être une érosion dramatique des revenus pour nous et qui pourrait se transformer en crise de liquidité », a averti Andrea Agnelli.


Andrea Agnelli, président de l'ECA et de la Juventus
Andrea Agnelli, président de la Juventus et de l'ECA. (Crédit image : UEFA)


De l'autre côté des Pyrénées, le président de la ligue professionnelle, Javier Tebas s'exprime sur un autre ton. Après avoir diagnostiqué la santé financière de son organisation qui a dépensé 27,8 millions de plus pour faire face à la pandémie lors de la reprise de ses championnats au mois de juin, le patron de LaLiga a posé le constat sur l'avenir à court terme de ses clubs.


Il attend un milliard d'euros de pertes causées par la crise selon les situations dans lesquelles la saison 2019/20 s'est achevé et celle de 2020/21 a débuté. « L'impact conjoint des saisons 2019/20 et 2020/21 sur les principales sources de revenus est estimé entre 500 millions et 600 millions d'euros », soit l'équivalent de 13% du chiffre d'affaires que les équipes de LaLiga ont réalisé en 2018/19, à savoir 4 610 millions d'euros.



Par principale source de revenus, nous entendons bien sûr les revenus des compétitions, de la billetterie / abonnement, de la télévision et du marketing. À cela viendra s'ajouter les plus-values des transferts, qui sont plus volatiles et difficilement quantifiables, mais que señor Tebas estime à 500 millions d'euros dans les colonnes de 2Playbook.


De ce fait, les dirigeants travaillent avec des marges bien serrées qui provoqueront sans doute des tensions de trésorerie car dans de nombreux clubs, l'idée qui prévaut est la maximisation des profits. L'objectif n'est pas de réaliser un résultat net élevé mais d'avoir les fonds nécessaires pour rentrer convenablement dans le marché des transferts pour continuer la croissance.


Mais paradoxalement la réalité dans les grosses écuries est loin d'être la même chez les clubs modestes qui actuellement animent le mercato en Espagne. Après la crise de 2008, c'était ces petites entités qui avaient le plus souffert n'ayant pas les leviers nécessaires pour activer des sources de revenus complémentaires comme le marketing. Cette fois-ci la donne a changé grâce à la finalisation des championnats qui a sauvé leur plus grande source de revenus : la télévision.

 

Répartition du Chiffre d'affaires d'Eibar
En 2018/19, la SD Eibar dépendait des droits audiovisuels à 91% alors que la billetterie perd de la valeur au fur des saisons. (Crédit image : FootEspagne)

 

Les pertes de la billetterie ont pu être compensées par les réductions salariales imposées durant le confinement tandis que chez les gros, ce secteur se compte à coup de millions. En plus des matchs sans public, l'activité commerciale a pris un gros coup avec la fermeture des musées, des restaurants et la nette diminution du merchandising.


Par conséquent, le Barça a annoncé une réduction de son activité économique de 30% sans donner des indications sur son résultat net. En Europe, La Juventus a annoncé des chiffres rouges à hauteur de 89,7 millions d'euros ; le Borussia Dortmund a clôturé sa saison avec résultat négatif de 44 millions ; et en France où les championnats de Ligue-1 et de Ligue-2 ne sont pas allés jusqu'au bout, l'Olympique Lyonnais demande des dommages et intérêts de plus de 100 millions d'euros.


Pour sa part, le Real Madrid a fermé la porte des arrivées durant cet été afin de ne prendre aucun risque qui pourrait compromettre sa rentabilité. Selon Marca, le club blanco attend un bénéfice de 320 000 euros ce qui ferait de lui l'un des rares gros calibres européens à terminer 2019/20 avec un résultat positif.


Loin de ces ennuis, les seuls clubs espagnols, qui, jusqu'à présent, ont donné des indications sur leurs résultats économiques, ont annoncé des bénéfices plutôt conséquents dans cette période trouble. Le CA Osasuna et le RC Celta, dont plus de 75% de leur activité dépend de la télévision vont, clôturer 2019/20 avec des résultats nets positifs de 3,5 millions et de 10 millions d'euros respectivement.


Des résultats possibles parce que LaLiga a pu sauver quasiment l'intégralité de ses droits de retransmission. Selon les comptes annuels publiés la semaine dernière et que FootEspagne a consulté, les revenus audiovisuels n'ont chuté que de 2,6%, notamment à cause de la baisse enregistrée sur le marché national tandis qu'à l'international, toutes les factures ont pu être collectées.


Vers une réduction des revenus audiovisuels ?


Si l'on se fie aux estimations de l'ECA, le trou de revenus serait de plus de 4 milliards pour le football européen par rapport aux budgets pré-covid. En dehors des matchs sans public, l'autre grande cause de cette récession est évidemment les droits de retransmission. Les diffuseurs ont eux aussi subi de plein fouet l'impact de la crise, avec la suspension des championnats entre mars et mai ainsi que l'annulation d'autres compétitions comme l'Euro 2020 ou les Jeux Olympiques reportées à l'année prochaine.


Ainsi, des ajustements ont eu lieu dans le paiement des droits la saison écoulée, à commencer par l'UEFA qui a rendu 575 millions d'euros aux opérateurs suite au changement de format de ses compétitions terminées au mois d'août. En Angleterre, le retour aux titulaires de droits est estimé à 355 millions d'euros. En Allemagne, la facture tourne autour de 200 millions et en France, Bein Sports et Canal Plus ont simplement refusé de payer la dernière tranche estimée à plus de 100 millions d'euros.


Des pertes colossales qui vont se répercuter sur l'élaboration des budgets de cette saison 2020/21 durant laquelle LaLiga terminera le cycle actuel des droits de télévision, mais aussi, aucune certitude ne peut être avancée pour assurer que les championnats se dérouleront normalement.


L'industrie du football a découvert qu'il n'était pas invincible. Désormais les grandes ligues européennes entament cette nouvelle saison pour apaiser les opérateurs audiovisuels, qui exigeront du spectacle et (aussi) de nouvelles garanties contractuelles face à la pandémie dont le spectre plane toujours.


Bien qu'il faudra attendre la saison 2021/22 pour que la plupart des ligues débutent le processus d'attribution du prochain triennat de droits audiovisuels au niveau national, dans de nombreux cas, des négociations sont déjà ouvertes pour la commercialisation dans d'autres zones géographiques. C'est le cas de LaLiga qui a déjà trouvé des accords sur certains territoires étrangers et a lancé la campagne de négociations dans les gros marchés européens.



Le contrat du cycle actuel de la compétition espagnole est d'une valeur globale de 3 421 millions d'euros. À la fin de cette saison, les négociations pour le marché national devront débuter, mais le plus grand danger du prochain cycle reste l'avenir de la star de la compétition, Lionel Messi, qui au mois d'août avait signifié au Barça son envie de quitter le club. Même s'il est revenu sur sa décision, le contrat de l'Argentin se termine en juin 2021 et rien ne peut garantir qu'il sera joueur blaugrana la saison prochaine.


Toutefois, l'avantage de l'Espagne est que le calendrier international varie selon les territoires et le développement hors des frontières est le plus grand succès du football espagnol depuis l'adoption de la vente centralisée des droits audiovisuels en 2015. Elle a permis d'augmenter les revenus et la compétitivité des clubs les plus modestes sans affecter les grands.


La Premier League, l'experte en matière de négociation a été l'une des premières à centraliser ses droits et reste aussi de loin la ligue qui distribue le plus d'argent à ses clubs. Actuellement, le marché national, d'une valeur de cinq milliards de livres sterling est détenu par BT Sports, Sky Sports, Amazon Prime et la BBC avec des contrats en vigueur jusqu'à la fin de la saison prochaine.


Sur le plan international, rien que pour la saison 2018/19, les clubs britanniques se sont partagé un total de  2 456 millions de livres sterling. Une manne financière qui a déjà baissé la saison dernière avec les remboursements évoqués tantôt et qui baissera aussi cette saison après que son plus gros partenaire international, le Chinois Suning Holding, ait résilié son contrat d'une valeur globale de 700 millions de dollars.


Les retransmissions en Chine ont été reprises par Tencent Sport, mais selon le Financial Times, le nouvel accord n'atteint pas la valeur du précédent avec la PPTV qui au mois de mars, au début du confinement, avait refusé d'honorer le paiement de la saison 2019/20.


En France, la situation est différente puisque le nouveau cycle est entré en vigueur cette année après que Mediapro en association avec la chaîne TF1 ait négocié les droits avant le déclenchement de la pandémie. Le groupe espagnol détient sept lots et l'opérateur Bein Sports en a pris quatre, ce qui a mis le diffuseur traditionnel Canal+ hors de la course jusqu'en 2023/24.


Au total, la LFP a négocié les droits du triennat pour 1 153 millions d'euros, soit 60% de plus que l'ancien contrat. Ce qui donne un coussin confortable aux clubs de la Ligue-1 et de la Ligue-2 qui ont perdu plus d'un tiers de leurs revenus audiovisuels en 2019/20 après que les deux championnats aient été définitivement arrêtés à cause de la situation sanitaire.


Par ailleurs, la ligue la plus impactée sur les revenus télévisuels est la Bundesliga. La crise sanitaire a rattrapé les dirigeants du football allemand au milieu des négociations, ce qui avait forcé la suspension de la vente des droits. Pour le cycle qui va débuter la saison prochaine, Sky, Dazn et la télévision en clair ont remporté le marché après que les discussions aient été reprises au mois de juin. Toutefois, le football professionnel allemand a perdu 240 millions d'euros par rapport au cycle précédent. La valeur du triennat 2021/22 - 2023/24 s'élève à 4 400 millions d'euros.


Loin de ce système de centralisation des droits audiovisuels, l'Italie tente d'imiter ses voisins du big five afin de donner plus de force aux petits clubs et d'augmenter les revenus globaux de la ligue. Selon Reuters, le football italien négocie avec CVC et Bain Capital la cession de 10% de la société qui gérera ses droits audiovisuels pour les dix prochaines années. Un deal qui devrait rapporter 1 600 millions d'euros annuels et ainsi placer les revenus audiovisuels à 16 milliards durant la prochaine décennie.


Cependant, avant la crise de la Covid-19, le secteur des droits de retransmission semblait déjà atteindre son plafond de verre. Les sommes étaient devenus astronomiques et l'arrivée dans le marché de nouvelles plateformes annonçait le début d'une ère de déclin surtout pour les diffuseurs traditionnels. La croissance durant plusieurs décennies a été nettement stoppée par la pandémie et le fait de pouvoir maintenir les revenus actuels a été impossible.  malgré le retour rapide des compétitions dans de nombreux pays.


La masse salariale : Une solution à long terme ?


Depuis plusieurs mois déjà que FootEspagne a débuté l'analyse des comptes du football espagnol, le constat le plus frappant est la courbe de la masse salariale des clubs, qui suit linéairement celle des revenus, notamment des droits de télévision. L'explosion des indemnités de transferts depuis le début des années 2010 a entraîné une augmentation des salaires des joueurs qui dans plusieurs clubs reste une épine.


Ce n'est pas donc surprenant que quand la pandémie a débuté et que la menace réelle de grosses pertes de revenus était inévitable, les clubs se sont attaqués aux salaires pour tenter de maintenir leur durabilité. En Espagne, la majorité a appliqué des mesures de chômage partiel réduisant jusqu'à 70% les rémunérations de leurs joueurs durant l'état d'urgence sanitaire.


L'ECA a rapidement abordé la question dans son rapport de l'impact de la Covid-19, rappelant que la chute spectaculaire des revenus fera passer le ratio des salaires sur les revenus de moins de 60% à 65,7% en 2019/20 et de 70,1% en 2020/21. Dans l'industrie du football, le seuil recommandé à ne pas franchir est 70% et l'Association de Clubs avait pour objectif durant ces deux saisons de le limiter à 63%. Toutefois, ces recommandations sont difficilement respectées dans de nombreux clubs qui, durant ces dernières années, dépassaient constamment le seuil.


« Les salaires des joueurs sont une cible facile pour l’opinion, mais il s'agit d'un problème financier très complexe à résoudre » affirme Hugo Hamon, directeur financier de l'ECA. De son côté, Ignacio Legido de BDO, ancien président de l'AD Alcorcón, prône pour que les contrats comprennent de nouvelles clauses qui préviendront des situations exceptionnelles telles que la Covid-19. « Les contrats des joueurs seront affectés par de nouvelles clauses qui régiront des aspects tels que la gestion de situations imprévues (comme les pandémies etc.) dans leur rémunération ».


D'autre part, le modèle nord-américain revient dans le débat de la réglementation des salaires avec des plafonds clairs pour redynamiser la compétitivité, mais au niveau de l'ECA la prise en compte des réalités spécifiques de chaque championnat doit être la priorité. « Nous devons penser de manière générale au niveau de l'ensemble de l'industrie et en même temps pendre en compte les réglementations et les spécificités locales, qui ont un impact considérable sur les clubs de toutes tailles », rajoute Hamon.


En Espagne, le président de LaLiga a déjà averti. Les clubs devront par tous les moyens réduire les rémunérations de leur personnel. Selon Javier Tebas, l'impact sur le plafond salarial que la ligue espagnole impose à ses clubs membres sera de 400 millions d'euros en 2020/21. Depuis le début du contrôle économique, la masse salariale est régulée en Liga en fonction des revenus et cette saison le taux de croissance de ces dernières années sera brisé.


En six ans, les dépenses dans ce domaine ont doublé passant de 972,7 millions en 2012/13 à 1 853 millions en 2017/18. En 2018/19, les rémunérations de l'ensemble du football professionnel espagnol ont dépassé pour la première fois la barre des deux milliards d'euros.


Dans les bureaux de LaLiga et de certains clubs, l'espoir est que cette pandémie aide certains dirigeants à être plus rationnels. Dès le début de la crise, Javier Tebas avait exhorté les clubs à s'appuyer davantage sur la formation au lieu de se lancer dans un marché des transferts qui ne fera qu'empirer la situation économique déjà précaire.


Un conseil que le patron du football professionnel voudra faire coûte que coûte appliquer avec des règles restrictives comme comme l'utilisation seulement de 25% des revenus provenant de la vente des joueurs pour l'achat de nouveau footballeurs. Il n'est pas donc exclu, selon l'évolution de la saison et de la pandémie, que de nouvelles mesures soient prises pour limiter la casse économique.


En attendant que LaLiga ne fixe les limites salariales pour la saison 2020/21, des clubs comme le FC Barcelona s'active dans le marché pour réduire considérablement cette charge qui impacte constamment sa rentabilité.

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