La saison 2018/2019 a été celle qui a généré le plus de liquidités dans les comptes de LaLiga Santander. Alors que la crise du Covid-19 frappe de plein fouet le football, les dirigeants supposent que l'état de la trésorerie déterminera la capacité de résistance de chaque club.
La crise du coronavirus a permis de mettre en lumière un problème du football espagnol et européen en général. Les clubs ne sont pas assis sur des bases économiques solides. En Espagne, aucun club de LaLiga n'est parmi les dix qui ont la plus grande capacité d'investissement. Autrement dit, ils savent qu'ils dépendent uniquement de leur capacité à générer de l'argent. Et la plus grave crise du football depuis la seconde Guerre Mondiale l'a prouvé.
Une trésorerie insuffisante face à la crise
En 2018/2019, les données que nous avons recueillies affirment que la trésorerie de l'ensemble des clubs de Primera s'élevait à huit cent cinq millions d'euros. Le montant le plus élevé de l'histoire, mais qui n'avait pas prévu une crise d'une telle ampleur. De ce fait, la plupart des clubs espèrent conserver leurs ressources et entendent bien profiter des outils de protection mis en place par le gouvernement. Le recours au chômage partiel en fait partie.
Alors que le championnat est arrêté depuis mi-mars, les clubs ont déjà raté trois journées. Ce qui, en somme, ne représente pas un gros danger. Mais le réel problème se trouve au mois de juillet quand la plupart des dépenses seront effectuées. Le paiement des salaires par exemple. En ce moment-là, le manque de liquidités pourrait frapper plus durement les équipes les plus faibles financièrement.
Dans un entretien accordé à El Pais début avril, Karl-Heinz Rummenigge pointait du doigt la gestion économique des clubs de foot européens. « Jusqu'à présent, nous avons concentré toute notre énergie sur la croissance des revenus bruts et des bénéfices... Je pense que tout le monde reconnaît maintenant que la chose la plus importante est la trésorerie. L'argent est tout », a avancé le dirigeant bavarois.
En décortiquant ces propos, le football espagnol doit se rendre à l'évidence. Malgré ses performances sur les pelouses ces dernières années, il est largué sur le classement économique. Le boss du Bayern, à sa manière, ne cesse de répéter que « le revenu est vanité, le profit est signe de bonne santé, mais la trésorerie est reine ». Une expression, qui, quand on regarde de plus près les comptes de nos clubs, s'adresse au FC Barcelone. Le club catalan est celui qui génère le plus de revenus au monde. Cependant, il a un profit faible et une trésorerie quasi inexistante.
Karl Heinz Rummenigge, directeur exécutif du Bayern Munich. (Crédit-photo : El Pais)
« Tout le monde dans l'industrie n'a pas d'argent pour faire face à une situation similaire, car elle n'était pas prévisible », a ajouté l'ancien joueur, qui, dans son club, a réussi à faire accepter un ajustement salarial temporaire et a renoncé à une partie des droits de télévision pour aider au mieux les plus petites entités de Bundesliga.
Le Bayern Munich est l'une des équipes qui a le coffre-fort le plus rempli en Europe, avec 220,8 millions d'euros, avec Arsenal (261,5 millions d'euros) et Manchester United (273,5 millions d'euros), selon l'étude de Soccerex Football Finance. Ce canapé confortable, tout le monde ne l'a pas en Europe.
Revenons sur le cas du Barça. Le club a présenté des mesures pour réduire sa masse salariale de 70% pendant l'état d'urgence en Espagne. Hormis le manque de revenus durant cette période, l'autre raison est qu'au cours de ces dernières années, il a considérablement augmenté son endettement pour couvrir les problèmes de trésorerie qu'il subissait déjà avant la crise du coronavirus.
Le 30 juin 2019, selon les comptes présentés et approuvés par l'Assemblée Générale, l'entité azulgrana disposait de 160,67 millions d'euros en espèces. Un montant qui disparaîtra rapidement puisque l'essentiel des charges sera payé au mois de juillet.
Les bons élèves
Dans la monarchie ibérique, le Real Madrid est le club qui a enregistré le plus de liquidités au 30 juin 2019, avec 185,53 millions d'euros. La Casa Blanca a annoncé mercredi une réduction entre 10% et 20% des salaires de sa section professionnelle. Une annonce qui confirme les rumeurs qui couraient dans les médias depuis quelques temps.
Si le Real a tardé de s'engager dans cette voie, c'est parce qu'en plus de sa trésorerie, le club dispose d'une ligne de crédit encore inutilisée de 265 millions d'euros. Une opération réalisée en parallèle lors de la signature du financement des travaux du Santiago Bernabéu.
Derrière les deux géants, arrive l'Athletic Club de Bilbao, qui est le plus avantagé. Le groupe basque a enregistré 145,27 millions d'euros au 30 juin 2019. L'Athletic est réputé pour la bonne gestion de ses flux de trésoreries. Une réussite que lui offre probablement sa politique sportive unique en Espagne. Mais le gros avantage du club bilbaino est qu'il dispose plutôt de 122 millions de provisions qui lui permettent de générer des revenus supplémentaires, si l'activité ordinaire ne suffit pas pour couvrir les dépenses.
Avec la pandémie du Covid-19, on peut donc supposer que ce manque de liquidités se reproduira cette saison ou sera pire même. LaLiga a établi deux scénarios qui prévoient que les clubs perdront entre 156 millions et 957 millions de revenus. Et même si la saison devrait se terminer avec des horaires serrés cet été, le patronat a supposé que ses clubs perdront des revenus audiovisuels, de billetterie et de merchandising.
À cet égard, certains joueurs, via leur syndicat (AFE), se sont plaints d'être les vaches à lait pour ralentir l'hémorragie. Ils sont obligés d'assumer les ajustements et s'interrogent même sur la « bonne santé économique » prêchée par l’institution du président Javier Tebas. Pour eux, « les mesures draconiennes du contrôle économique n'ont pas fourni d'assurance pour un arrêt qui doit durer deux mois ». Toutefois, ils ne tiennent pas compte que les liquidités générées ne sont pas seulement utilisées au quotidien, mais elles permettent aussi de financer des projets à court, moyen et long terme.
Les investissements en danger
Le dernier rapport économique et financier du football professionnel indique que « LaLiga a pu autofinancer entièrement son investissement productif, tant en capital d'investissement (634,1 millions d'euros) qu'en infrastructure (1 082 millions d'euros) ». « Un excédent a même été réalisé pour faire face à la dette (paiement des frais financiers et remboursement à hauteur de 372,3 millions », ajoute le document qui fait référence à la saison 2017/2018.
En revanche, le problème pour de nombreux clubs n'est pas tant le pouvoir ou la résistance à l'incertitude, mais ce qu'ils vont devoir abandonner à cause de la crise. Les clubs de LaLiga Santander et de LaLiga Smartbank avaient prévu des investissements à hauteur de 1 200 millions d'euros dans la rénovation des stades et des centres d'entrainement. Des chantiers qui pourraient être retardés en raison des conséquences de cette rupture d'activité.
Par exemple, la Real Sociedad a utilisé toute sa trésorerie de ces dernières années pour entamer la rénovation de son stade. Avec cette opération elle avait essayé de réduire son effet de levier au minimum, bien qu'elle disposait d'importantes lignes de crédit qui lui auraient permis de surmonter plus facilement la situation.
Dans un cas très différent, le CD Leganés, qui a décidé d'investir plus de 20 millions d'euros en bourse pour fructifier les excédents réalisés depuis la montée en première division, rencontre un autre problème. Depuis ce portefeuille d'actions a subi des corrections importantes et la crise sanitaire n'arrange pas les choses. Dans le pire des cas, le club pourrait être contrains à utiliser ses actifs pour faire face à cette situation sans précédent.
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