CF Intercity creuse ses pertes de 7,7 millions d'euros : un gouffre financier en quête de stade salvateur

CF Intercity, en crise financière, mise sur le projet Alicante Park pour éviter la faillite et relancer son modèle économique.

Crédit image : CF Intercity


Le club espagnol, relégué en Segunda Federación et coté en bourse, continue de sombrer financièrement. A mi-saison 2024/2025, il affiche des pertes supérieures à celle de l'exercice précédent. Un projet ambitieux de stade, Alicante Park, est désormais la clé de sa survie.

CF Intercity s'enfonce un peu plus dans le rouge. Le club d'Alicante, désormais en quatrième division espagnole (Segunda Federación), a enregistré des pertes de 7,7 millions d'euros entre juillet et décembre 2024, soit plus que l'ensemble des pertes de la saison passée (7,03 millions d'euros), selon les états financiers consultés par Palco23.

Le gouffre s'explique par une activité quasi-inexistante – à peine 200 000 euros de chiffre d'affaires, provenant en majorité des abonnements (126 000 euros), de la vente de produits dérivés (65 000 euros), et de services divers. A cela s'ajoute un léger apport comptable de 93 000 euros liés à des provisions excédentaires.

Un club dépendant de financements extérieurs

En face, les dépenses d'exploitation explosent à 5,2 millions d'euros, notamment à cause du paiement de 4,2 millions d'euros au fonds Global Tech Opportunities 10, un acteur basé à Dubaï, partenaire financier mais aussi source d'engagements onéreux.

Les charges salariales pèsent également lourd : 1,9 million d'euros, dont plus de 1,5 million de salaires directs. Cette enveloppe reste similaire à celle de 2023/2024. S'ajoutent près de 800 000 euros de dépenses exceptionnelles, issues notamment des apports d'entités partenaires comme la Fundación Lucentum ou CFI Alicante.

Alerte sur la viabilité financière

L'auditeur des comptes a émis une réserves sérieuse : le club présente un fonds de roulement négatif de 8,82 millions d'euros, sans informations claires sur les mesures envisagées pour garantir la poursuite de l'activité. En clair, la situation financière menace la continuité du club.

Les pertes cumulés ont fait fondre les capitaux propres à un niveau inférieur à la moitié du capital social - une situation légale ouvrant la voie à une dissolution, conformément au droit espagnol des sociétés.

Alicante Park : le projet de la dernière chance ou un pari risqué ?

Pour sortir de l'impasse, CF Intercity mise tout sur Alicante Park, un projet de complexe sportif et évenementiel de grande envergure. Conçu comme un levier de transformation structurelle, ce stade multifonctionnel vise à générer jusqu'à 8 millions d'euros de revenus annuels, avec un EBITDA supérieur à 3 millions d'euros dès la première année, selon une étude commandée à la société américaine Legends, expert reconnu dans la gestion des infrastructures premium.

Mais cette promesse repose sur un modèle encore théorique. L'investissement global, estimé à 33 millions d'euros, comprend l'achat du terrain, les travaux de construction et l'aménagement de deux infrastructures majeures : un stade de 5 000 places extensible pour accueillir les matchs du club, et un espace de spectacles en plein air pouvant recevoir plus de 20 000 personnes, avec scène fixe et équipements mutualisés.

Le site choisi à Rabasa, à la périphérie d'Alicante, est stratégique – proche des axes autoroutiers et de l'aéroport – mais n'est pas encore juridiquement prêt : il nécessite une requalification urbanistique, l'obtention de permis de construire et le bouclage intégral du financement. En l'état, le foncier n'est qu'un actif immobilisé sans valeur opérationnelle.

Un financement structurant... mais conditionné et risqué

Pour financer cette ambition, le club a officialisé, le 30 avril 2025, une offre d'investissement de 40 millions d'euros portée par Alpha Blue Ocean (ABO) via son véhicule Global Tech Opportunities 10. Il ne s'agit pas d'un apport en capital, mais d'un mécanisme de bons convertibles : une dette que le fonds peut transformer en actions, exposant ainsi le club à une dilution du capital et à une prise d'influence accrue de son créancier-actionnaire.

Plus encore, cette offre est conditionnée à une garantie personnelle du président Salvador Martí, signe de la fragilité institutionnelle du projet. ABO, déjà présent au capital, renforce ainsi son emprise stratégique sur le club. En parallèle, CF Intercity étudie d'autres pistes, avec un processus ouvert à des fonds de capital-risque, à des investisseurs privés, ou à un montage hybride, dans l'espoir de diversifier ses sources de financement.

Malgré cette recherche active – piloté par Nakamoto Partners, récemment mandaté pour structurer la levée de fonds – aucune confirmation définitive n'a été obtenue à ce jour. La décision finale dépendra d'une assemblée générale extraordinaire, prévue dans les prochaines semaines.

Des projections ambitieuse, mais peu vérifiables

Si les ambitions affichées sont claires, les hypothèses économiques sous-jacentes au projet restent floues. Les chiffres communiqué par le club (impact économique de 100 millions d'euros par an pour la région, taux d'occupation élevé, rentabilité immédiate) n'ont pas été assortis de données méthodologiques vérifiables : ni modèle de fréquentation, ni politique tarifaire, ni calendrier d'exploitation. Ce manque de transparence laisse planer un doute sur la solidité réelle du business plan.

Alicante Park pourrait ainsi être le catalyseur d'un nouveau modèle de club, ancré dans une logique d'opérateur d'infrastructures à l'échelle régionale. Mais il pourrait aussi révéler une fuite en avant risquée, dans laquelle un club sportivement fragilisé mise sa survie sur un actif hypothétique, porté par des partenaires déjà trop exposés.


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