![]() |
Crédit image : Real Madrid CF |
Après avoir analysé le chiffre d'affaires record de la Casa Blanca et la structure de ses charges à mi-saison 2024/2025, ce troisième article, qui clôt l'étude du compte de résultat, s'intéresse à un indicateur central : la rentabilité. Malgré des amortissements en hausse et un alourdissement du coût de la dette, le club parvient à préserver une rentabilité nette, preuve d'une gestion globalement saine dans un contexte de transformation économique.
Une croissance continue de l'EBITDA
Au 31 décembre 2024, le Real Madrid affiche un EBITDA de 113,84 millions d'euros, un chiffre en hausse de 43 % sur un an et de 161 % sur deux ans. Cette dynamique est portée par un chiffre d'affaires net de 589,78 millions d'euros, en progression de 27,8 % d'une année sur l'autre.
Le club profite donc d'un effet levier classique : la progression des revenus est plus rapide que celle des charges, malgré une nette hausse de ces dernières. Les approvisionnements et les autres charges d'exploitation augmentent fortement, reflet de l’activité intense du nouveau Bernabéu, entre matchs, concerts et hospitalité. La masse salariale, elle, reste sous contrôle (4,8 % sur un an), ce qui est remarquable dans un contexte de performance sportive élevée.
Les plus-values de cession (29,47 millions d’euros), bien au-dessus des 18,52 millions d’euros de décembre 2023, mais loin du pic de 2022 (94,71 millions d’euros, porté par la vente de Casemiro), boostent l’EBITDA ajusté à un record de 143,30 millions d’euros à mi-saison.
Cette année, le club a vendu Rafa Marín à Napoli pour 12 millions, Juanmi Latasa au Real Valladolid pour 2,5 millions et Joselu à Al-Gharafa pour 1,5 million. À ces ventes s’ajoutent des montants issus de clauses à la revente et des mécanismes de solidarité FIFA, déclenchés lors de transferts d’anciens joueurs formés au club, comme Alvaro Morata, formé à La Fabrica, dont le transfert de l’Atlético à l’AC Milan rapporte un peu d'argent.
Une rentabilité opérationnelle préservée malgré l'augmentation des amortissements
Au 31 décembre 2024, le Real Madrid affiche un résultat d'exploitation de 59,57 millions d'euros, contre 34,89 millions d'euros un an plus tôt. Ce chiffre est en ligne avec celui de décembre 2022 (62,07 millions d'euros), mais il est obtenu dans un contexte structurel différent.
Ce rebond est tiré par la hausse de l'EBITDA ajusté à un niveau record (143,30 millions d'euros), malgré des amortissements en forte progression : 83,73 millions d'euros en 2024/2025. Cette hausse s'explique en partie par :
- L'accroissement des amortissements liés au nouveau stade Santiago Bernabéu, désormais pleinement exploité,
- et la valeur comptable de certains joueurs récents, dont les transferts sont amortis sur plusieurs années.
Autrement dit, le Real parvient à maintenir une rentabilité d'exploitation solide, malgré le poids croissant de ses investissements.
C'est quoi un amortissement dans le football ?
Lorsqu'un club achète un joueur, le montant du transfert est comptabilisé comme un actif immatériel, puis amorti de façon linéaire sur la durée du contrat.
Exemple : le Real Madrid a recruté Endrick pour 47,5 millions d'euros avec un contrat de 6 ans, le club comptabilisera chaque année environ 7,92 millions d'euros d'amortissement dans ses charges.
Idem pour les investissements dans les infrastructures, comme le stade ou les équipements d'entraînement, dont la durée de vie résiduelle est estimée sur des décennies. Cela permet de lisser leur impact sur les comptes au fil des saisons.
Dans ce cas, les infrastructures pèsent bien plus lourd, les nouveaux joueurs ne représentant que 3,3 % de la hausse des amortissements.
Des bénéfices solides malgré la dette du Bernabéu
Au 31 décembre 2024, le Real Madrid affiche un résultat net de 29,40 millions d'euros, en hausse de 24,5 % sur un an, mais en deçà des 43,89 millions de 2022. Cette progression modérée s'explique par une forte détérioration du résultat financier, passé de -3,05 millions à -21,30 millions d'euros en un an.
Cette évolution tient principalement à l'augmentation des intérêts liés aux emprunts, qui atteignent désormais 21,22 millions d'euros, contre 14,32 millions un an plus tôt. S'y ajoute un changement d'approche comptable : alors que le club capitalisait encore une partie de ses charges financières dans ses investissements en 2022 et 2023 (jusqu'à 11,28 millions d'euros l'année dernière), cette pratique a cessé en 2024. L'intégralité des charges financières pèse désormais sur le compte de résultat, ce qui reflète une approche plus prudente et réaliste, conforme à la fin des travaux au Bernabéu.
Malgré cela, la dynamique opérationnelle reste très saine. Le résultat d'exploitation a presque doublé en un an, tandis que la fiscalité reste stable (8,88 millions d'euros). Pour la troisième année consécutive, le club boucle donc son premier semestre avec un bénéfice net.
La capitalisation des charges financières, c'est quoi ?
Lorsqu'un club (ou n'importe quelle entreprise) engage des travaux d'envergure sur plusieurs années - comme la rénovation du Bernabéu dans le cas du Real Madrid - il peut capitaliser une partie des charges d'intérêts liées aux emprunts contractés pour financer ces travaux.
Autrement dit, au lieu de comptabiliser ces intérêts comme une charge financière dans le compte de résultat, le club les intègre dans le coût de l'investissement lui-même, au sein du bilan. Cela revient à dire : "ce coût fait partie intégrante du projet".
Exemple :
- Le Real Madrid a financé les travaux du Bernabéu avec un prêt.
- Les intérêts payés pendant la durée des travaux (tant que le stade n'est pas encore exploité pleinement) peuvent être capitalisés.
- Ces intérêts seront amortis plus tard, en même temps que le reste de l'investissement, sur plusieurs années.
Pourquoi ça s'arrête en 2024 ?
Parce qu'en 2024, le nouveau Bernabéu est totalement opérationnel. Une fois l'actif prêt à être utilisé, les normes comptables (et le bon sens économique) imposent de cesser cette capitalisation : les intérêts doivent alors passer en charges financières normales. C'est la raison pour laquelle une hausse brutale des charges financières s'observent dans les comptes de cette année.
Des ratios de rentabilité solides
En somme, la performance financière reste solide dans son ensemble. En rapportant les grands agrégats du compte de résultat au chiffre d'affaires net, on observe des ratios de rentabilité particulièrement éclairants. Ces ratios, permettent de mesurer l'efficacité avec laquelle le Real Madrid transforme ses revenus en bénéfices. Voici les plus parlants :
- L'EBITDA représente 19,3 % du chiffre d'affaires net, contre 17,3 % un an plus tôt, signe d'une marge brute en progrès grâce au Bernabéu et au contrôle des charges. Avec les plus-values, l'EBITDA ajusté grimpe à 24,3 % du chiffre d'affaires, un pic remarquable. Ce ratio est l'indicateur de performance brute, avant amortissements et charges financières. Plus il est élevé, plus l'activité est génératrice de marge. Il s'ajuste avec l'EBITDA élargi, qui tient en compte les plus-values de cession. Il est à noter que de manière générale, les plus-values sont exclues de l'EBITDA, mais dans le cas d'un club de football, elles proviennent principalement de la vente de joueurs, une activité récurrente dans l'industrie du football.
- Le résultat d'exploitation représente 10,1 % du chiffre d'affaires net, en nette amélioration par rapport à 2023 (7,6%), bien que toujours en retrait par rapport à 2022 (15,5 %). Ce ratio affine la lecture intégrant l'impact des amortissements. C'est un bon thermomètre de la rentabilité opérationnelle réelle.
- Enfin, le résultat net reste stable à 5 % du chiffre d'affaires net, freiné par les charges d'intérêts. Sans cette hausse brutal du coût de la dette, le bénéfice aurait mécaniquement été bien plus élevé. Ce ratio donne la rentabilité finale, après l'effet de la dette et de la fiscalité. Il est essentiel pour juger de la viabilité économique du club.
En clair : Le Real Madrid brille par sa rentabilité brute, mais la dette de son théâtre des rêves freine ses bénéfices nets. C'est exactement le cas en 2024 : la rentabilité est là, mais le coût de la dette du stade limite son expression nette.
Une rentabilité préservée, mais sous tension
A mi-saison, le Real Madrid affiche des indicateurs de rentabilités solides, portés par la croissance des revenus et une bonne maîtrise des charges opérationnelles. L'EBITDA atteint un niveau record, confirmant la dynamique enclenchée par la transformation du Bernabéu en véritable levier économique.
Mais derrière ces bons résultats se cache une tension croissante : la montée rapide des charges financières, liée à l'endettement contracté pour financer le nouveau stade, commence à peser sur le résultat net.
Autrement dit, le club reste rentable, mais cette rentabilité dépend désormais de plus en plus d'un équilibre fin entre activité commerciale, maîtrise des charges et bonne gestion de la dette. Un équilibre que nous analyserons en détail dans le prochain article, consacré à la structure financière du club.
0 Commentaires