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Crédit image : Real Madrid CF |
Après avoir analysé les performances commerciales et la rentabilité du Real Madrid à mi-saison, il est temps de nous plonger dans les fondations de sa solidité financière : son bilan. Contrairement au compte de résultat, qui mesure les performances d’une saison à l’instant T, le bilan offre une vue d’ensemble, un arrêt sur image de la situation économique du club à une date donnée. Il répond à une autre question essentielle : que possède réellement le Real Madrid, et comment sont financées ces ressources ?
Au 31 décembre 2024, l’actif du club madrilène atteint 2,53 milliards d’euros, porté par la pleine valorisation du nouveau Santiago Bernabéu. En face, le passif recule à 1,92 milliard, tandis que les capitaux propres s’élèvent à de 603,4 millions d’euros. Mais derrière ces chiffres impressionnants se cache une réalité plus contrastée : si le Real Madrid dispose d’un patrimoine considérable, sa marge de manœuvre à court terme se réduit.
Dans cette première partie, nous allons nous concentrer sur l’actif du club : ses immobilisations, ses créances, sa trésorerie. Autant d’indicateurs qui permettent de comprendre comment le club investit, gère ses ressources et fait face à ses besoins immédiats. La suite de cette analyse, consacrée au passif et à l’endettement, viendra dans un prochain article.
Une richesse immobilisée
Si le Real Madrid peut aujourd’hui afficher un bilan robuste, c’est avant tout grâce à la solidité de son patrimoine. Au 31 décembre 2024, plus de 2,11 milliards d’euros sont inscrits à l’actif non courant du club : des ressources stratégiques, pensées pour durer. Elles ne sont pas destinées à être revendues rapidement, mais à soutenir le projet sportif et économique sur le long terme. Cela inclut les infrastructures comme le stade, les contrats des joueurs, ainsi que certaines créances financières ou investissements structurels – à commencer par le projet Super League.
Le cœur de cette richesse immobilisée, ce sont les immobilisations corporelles, qui dépassent désormais les 1,46 milliard d’euros (+13 % sur un an, +2,7 % sur le semestre). Cette hausse continue est directement liée à la pleine entrée en service du nouveau Bernabéu. Entièrement transformé, le stade n’est plus seulement un écrin pour les soirs de match : il devient un actif économique à part entière, générateur de revenus récurrents grâce à son exploitation commerciale. Rien qu’au premier semestre de la saison 2024/2025, il a déjà rapporté 43,92 millions d’euros hors jours de match – preuve qu’il joue désormais un rôle central dans la stratégie de diversification des recettes du club.
Autre pilier de l’actif non courant : les immobilisations incorporelles sportives, c’est-à-dire la valeur nette comptable des contrats de joueurs. Celle-ci est en baisse, passant de 449,06 à 424,89 millions d’euros sur six mois (-5,4 %, et -10,6 % sur un an). Cette évolution est logique : les contrats s’amortissent avec le temps. Mais elle indique aussi que les investissements réalisés sur le marché des transferts n’ont pas entièrement compensé ces amortissements.
L’été 2024 en est une bonne illustration : 34,22 millions d’euros ont été investis dans de nouveaux joueurs, alors que 57,24 millions d’euros ont été comptabilisés en amortissements. Une stratégie volontairement plus prudente, axée sur la valorisation de l’effectif en place plutôt que sur des dépenses spectaculaires. Financièrement cohérente, cette approche s’inscrit dans un cycle entamé dès 2018, lorsque le club a fait le choix d’un endettement massif pour rénover son stade. Depuis, la politique sportive s’est adaptée : recrutement de jeunes à fort potentiel, prolongations ciblées, et signature de joueurs libres. Une méthode rigoureuse, mais qui peut devenir politiquement risquée en cas de contre-performance sur le terrain – comme en témoigne la saison en cours.
À côté de ces postes majeurs, l’actif non courant comprend aussi des investissements financiers à long terme, essentiellement composés de créances issues de ventes de joueurs ou de contrats commerciaux. Ce poste est en net repli, passant de 62,25 à 39,91 millions d’euros sur le semestre. Deux dynamiques sont à l’œuvre : d’un côté, un recouvrement efficace ; de l’autre, le reclassement de 49,20 millions d’euros dans les actifs à court terme, car leur paiement est attendu d’ici la fin de 2025.
Fait notable : malgré cette baisse nette, de nouvelles créances ont été comptabilisées pour 26,91 millions d’euros. À l’inverse, près de 40 000 euros ont été retirés du bilan, soit parce qu’ils ont été encaissés plus tôt que prévu, soit parce qu’ils ont été dépréciés – autrement dit, considérés comme irrécouvrables. À ce poste figure également la participation du Real Madrid dans des organismes liés aux compétitions sportives, notamment la Super League, pour un montant total de 2,36 millions d’euros.
Ainsi se dessine une stratégie claire : bâtir un actif immobilisé robuste, pensé pour sécuriser l’avenir du club. Mais ce socle patrimonial, aussi impressionnant soit-il, ne dit pas tout. Car dans le quotidien d’un grand club, la solidité financière se mesure aussi à sa capacité à faire face à ses obligations immédiates. Et c’est précisément ce que révèle l’actif circulant – prochaine étape de notre analyse.
Une marge de manœuvre qui se rétrécit
Le Real Madrid dispose d’un actif immobilisé imposant, reflet d’un patrimoine bâti pour durer. Mais à plus court terme, sa capacité de manœuvre s’est sensiblement réduite. Au 31 décembre 2024, l’actif circulant – c’est-à-dire les ressources mobilisables dans les douze mois – s’élevait à 417,17 millions d’euros, contre 605,59 millions six mois plus tôt. Une baisse nette, qui traduit une concentration des flux disponibles dans un contexte de dépenses soutenues.
Deux postes en particulier cristallisent les enjeux immédiats : les créances commerciales, qui représentent les revenus attendus, et la trésorerie, indicateur direct de la liquidité. Leur évolution donne un aperçu de la capacité du club à faire face à ses obligations à court terme.
Des recettes encore en transit
Avec 327,58 millions d’euros inscrits au bilan au 31 décembre, les créances commerciales constituent l’essentiel de l’actif circulant du Real Madrid. En recul de 13,3 % sur six mois, elles traduisent moins une contraction de l’activité qu’un encaissement progressif des revenus déjà comptabilisés.
Certaines lignes connaissent un repli marqué. Les créances liées à la billetterie et aux revenus générés par le stade chutent de 70,70 à 18,23 millions d’euros, tandis que les créances commerciales (sponsoring, partenariats…) passent de 104,70 à 63,34 millions. À l’inverse, les sommes à recevoir de la part d’autres clubs progressent : elles atteignent 85,74 millions d’euros, dont 45,43 millions au titre d’indemnités de transfert. D’autres postes, comme les créances envers les administrations publiques ou les membres du personnel, restent stables, illustrant l’ampleur et la diversité de l’activité économique du club au-delà du seul rectangle vert.
Une trésorerie sous pression
Le contraste est saisissant du côté des liquidités. Au 31 décembre 2024, le Real Madrid ne disposait plus que de 61,22 millions d’euros de trésorerie disponible, contre 208,53 millions six mois plus tôt. En un an, cette réserve s’est contractée de près de 68 %. Une évolution préoccupante en apparence, mais qui ne traduit pas un déséquilibre structurel : le club reste bénéficiaire. Il encaisse simplement plus lentement qu’il ne dépense, ce qui pèse ponctuellement sur ses marges de manœuvre.
Sur l’ensemble de l’année 2024, le Real Madrid a consommé 147,05 millions d’euros de trésorerie nette. Ce flux négatif est le produit de trois dynamiques principales. D’abord, les dépenses courantes – salaires, charges d’exploitation, fonctionnement – restent élevées, sans toujours être compensées immédiatement par des encaissements. Ensuite, le club a poursuivi ses investissements : 117,59 millions ont été consacrés au secteur sportif, entre paiements différés sur des transferts passés et acquisitions récentes. Enfin, les financements externes ont ralenti : le club n’a levé que 100 millions d’euros en 2024, contre 370 millions l’année précédente. Parallèlement, il a continué à rembourser sa dette (42 millions en 2024), ce qui pèse également sur la trésorerie.
Une dynamique d'investissement maintenue, un financement plus sélectif
Avec 201,58 millions d’euros d’investissements en 2024, le Real Madrid confirme sa stratégie d’investissement soutenu, bien que plus modéré qu’en 2023 (408,83 millions). L’effort est resté concentré sur deux fronts : le renforcement de l’effectif (117,59 millions) et la poursuite des aménagements au Bernabéu (71,52 millions). Un niveau élevé d’engagements qui témoigne d’une volonté intacte de consolider les fondations sportives et économiques du club.
Du côté du financement, le ton est plus mesuré. En 2023, l’extension du prêt lié au stade avait permis de lever 370 millions d’euros. En 2024, le club s’est contenté de 100 millions supplémentaires, essentiellement pour alléger la pression sur la trésorerie. Ce recentrage s’accompagne d’un respect strict du calendrier de remboursement, preuve d’une gestion rigoureuse de l’endettement.
Malgré une tension temporaire sur ses liquidités, le Real Madrid conserve plusieurs lignes de crédit non utilisées. Des ressources qu’il pourrait mobiliser si la situation venait à se tendre davantage. Mais à court terme, la prudence est de mise : car la solidité d’un bilan ne protège pas toujours des imprévus de trésorerie. La suite du rapport financier permettra de mesurer comment cette tension s’articule avec le passif du club – et notamment avec les échéances de remboursement à venir.
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