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Image : Diario AS |
Le club merengue poursuit la transformation du Santiago Bernabéu en un hub urbain de référence avec un projet d'urbanisation de ses environs, approuvé par la mairie de Madrid le 24 juillet 2025. D'un coût de 19,6 millions d'euros, intégralement financé par le club, cette initiative modifie le plan initial de 2018 pour mieux intégrer le stade rénové à son environnement résidentiel tout en répondant aux exigence de l'extension de la station de métro à proximité. Cependant, ce projet ambitieux s'inscrit dans un contexte marqué par des litiges juridiques et des tensions communautaires, révélant les défis d'un développement urbain à grande échelle.
Un projet d'urbanisation pour un Bernabéu intégré
Le projet, supervisé par l'Área de Obras y Equipamientos de la mairie, vise à remodeler les rues autour du stade – Rafael Salgado, Concha Espina, le frontal de Castellana et Padre Damián – pour améliorer la qualité de vie, l'accessibilité et la durabilité. Les principales mesures incluent :
- Triplement de l'espace piétonnier : La surface dédiée aux piétons passe de 14 500 m² à 40 500 m² (+270 %), avec une grande place de 20 000 m² sur le frontal Castellana, conçue comme un espace de convivialité
- Amélioration environnementale : Création de 4 500 m² de zones fleuries et plantation de 305 arbres (contre 264 initialement prévus), renforçant la qualité écologique du quartier.
- Modernisation des infrastructures : Rénovation des trottoirs, de l'éclairage public, des réseaux d'irrigation et d'égouts, avec un système de drainage durable pour gérer les eaux pluviales.
- Mobilité et accessibilité : Ajout de deux passages piétons (Concha Espina et Padre Damián), amélioration de la signalisation, création de 36 places de parking pour résidents (dont certaines pour personnes à mobilité réduite), 19 pour non-résidents, 16 pour motos et 6 pour taxis. Une piste cyclable unidirectionnelle reliera la rue Raimundo Fernández Villaverde à la plaza de Castilla.
- Mobiliers urbain : Installation de plus de 1 000 mètres carrés de bancs en granit et une douzaine de bancs en bois, pour un espace plus accueillant.
L'intervention se divise en quatre zones : la rue Rafael Salgado, déjà achevée avec une forte piétonnisation ; l'avenue Concha Espina, où les trottoirs s'élargissent et la chaussée passe de cinq à quatre voies ; le frontal de Castellana, avec sa grande place et la restauration des jardins du Mondial 82 ; la rue Padre Damián, où les trottoirs doubleront de largeur et le rond-point de los Sagrados Corazones sera reconfiguré en un cercle parfait avec un aménagement paysager.
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Maquette de la future place Castellana, El Mundo |
Cette modification du plan de 2018, initialement conçu sous l'ex-maire Manuela Carmena, s'adapte à la rénovation intégrale du Bernabéu (achevée en 2024) et à l'extension de la station de métro Santiago Bernabéu, financée par la Communauté de Madrid pour 66 millions d'euros, avec une finalisation prévue en 2027. Cette dernière inclut trois nouveaux accès vers la plaza de Lima pour absorber l'afflux de visiteurs, notamment touristiques, attirés par la boutique et les visites guidées du stade.
Une solidité financière à la hauteur de l'ambition
Le financement des 19,6 millions d'euros s'appuie sur la robustesse économique du Real Madrid, qui a clos la saison 2024-2025 avec un chiffre d'affaires record de 1,19 milliard d'euros (hors transferts, +10,4%). Cette performance, détaillée dans nos colonnes le 19 juillet 2025, repose sur plusieurs leviers : la billetterie, la Coupe du monde des clubs, la finale de la Coupe du Roi, les matchs amicaux, les nouveaux contrats de sponsoring, et surtout l'exploitation du nouveau Bernabéu, qui génère une hausse de 38 % des revenus récurrents (VIP, hospitalités, événements).
Le club affiche un EBITDA hors transferts de 208 millions d'euros (+45 %), un EBITDA total de 243 millions (+55 %, incluant 35 millions de plus-values sur transferts), et un résultat net de 24 millions (+56 %), marquant 25 ans de bénéfices consécutifs. Avec un patrimoine net de 598 millions d'euros, une trésorerie de 166 millions d'euros, une dette nette hors stade quasi nulle (12 millions), et une liquidité théorique de 591 millions (trésorerie et ligne de crédit non tirées), le Real Madrid dispose d'une flexibilité financière rare, lui permettant d'absorber un effort d'investissement de 194 millions d'euros en 2024, incluant les acquisitions sportives et les aménagements du stade.
Le projet Bernabéu, d'un coût total de 1,35 milliard d'euros (dont 1,17 milliard via un prêt à long terme), a vu 38 millions amortis sur l'exercice. La pleine exploitation du stade, prévue pour 2025-2026 avec la reprise des concerts (suspendus en 2024 pour insonorisation), un match NFL, et une montée en puissance des hospitalités, devrait renforcer la trésorerie et soutenir le désendettement progressif.
Des litiges qui compliquent l'équation
Malgré les avancées du projet d'urbanisation, le Real Madrid évolue dans un contexte de tensions juridiques et communautaires qui freinent l'exploitation optimale du Santiago Bernabéu. L'Asociacion des riverains du Bernabéu (AVPB) accuse le club d'avoir organisé des concerts en 2024 (notamment ceux de Taylor Swift, Luis Miguel et Duki) sans licence valide, s'appuyant sur une licence caduque de 2001, inappropriée pour un stade rénové entre 2019 et 2024. Un recours déposé devant le Tribunal d'instruction n° 53 de Madrid exige que le club présente ses licences pour clarifier la légalité de ces événements.
Le club présidé par Florentino Pérez maintient qu'une licence de 2017 couvrait ses activités jusqu'à l'obtention d'une nouvelle en août 2024, et que les concerts ne nécessitaient qu'une autorisation administrative des promoteurs, conformément à la loi régionale de 1997. Cependant, La Vanguardia (10 novembre 2024) rapporte que l'AVPB a intensifié sa plainte, réclamant l'inculpation du maire José Luis Martinez-Almeida et du conseiller Borja Carabante pour prévarication, alléguant un manque de vérification des licences par la mairie. Bien que ces accusations aient été rejetées par le juge, le club et la municipalité restent sous pression pour démontrer leur transparence, le litige restant en cours sans verdict définitif.
Un second contentieux bloque les travaux d'un parking souterrain de 2 000 places sous la future plaza de Castellana, géré par Real Madrid Estadio, une filiale du club. Ce parking, censé générer 470 à 561 millions d'euros sur 40 à 46 ans, est suspendu depuis septembre 2024 suite à une décision du juge Carmen Casado (Tribunal de contentieux administratif n°30), confirmant une annulation de la concession en mai 2024 pour « manque d'intérêt public » et « dommages environnementaux ».
L'AVPB a dénoncé l'absence d'études de sécurité et d'impact environnemental, tandis que des incidents comme des inondations dans les parking voisins et une rupture de canalisation de gaz ont amplifié les préoccupations des riverains. Aucun progrès n'a été signalé, laissant la plaza de Castallana inaccessible et limitant les bénéfices du projet d'urbanisation.
Par ailleurs, un litige annexe oppose Anastasia Gourmet, exploitant du SkyBar, au Real Madrid pour 16,5 millions d'euros en raison de retards d'accès à l'espace. Ces conflits, combinés aux perturbations des travaux du métro, alimentent les tensions avec les riverains, qui dénoncent une atteinte à leur qualité de vie et soupçonnent un favoritisme municipal envers le club. La consultation publique ouverte après l'approbation du projet d'urbanisation pourrait également entraîner des ajustements, ajoutant une incertitude supplémentaire.
Une ambition urbaine sous pression
Le projet d'urbanisation du Bernabéu reflète l'ambition du Real Madrid de faire du stade un moteur économique et touristique, tout en améliorant la qualité urbaine du quartier. Le piétonnisation massive, les zones vertes et les infrastructures modernes répondent aux standards actuels de durabilité et d'inclusivité. Cependant, les litiges juridiques (licences, parking) et les nuisances (travaux, bruit) soulignent les défis d'un projet de cette envergure dans un quartier résidentiel dense.
Financièrement, le club est bien positionné pour absorber ces investissements, grâce à une structure bilancielle solide et une croissance soutenue des revenus. Toutefois, la résolution des contentieux sera cruciale pour maximiser le potentiel du stade, notamment avec la reprise des concerts et l'activation de nouveaux leviers événementiels en 2025-2026. La consultation publique, ouverte après l'approbation initiale du projet pourrait également entraîner des ajustements, tandis que les travaux du métro, prolongés jusqu'en 2027, maintiendront des perturbations.
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