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| Image : Portal Cadista |
Le club andalou devient le premier d'Espagne à introduire une filiale en Bourse, via Nomadar Corporation désormais cotée au Nasdaq. Valorisée 218 millions de dollars, la société du Cádiz CF s'appuie sur un modèle encore fragile, mêlant innovation, spéculation et gouvernance concentrée.
Une première du football espagnol à Wall Street
C'est une première historique pour le football espagnol. Le Cádiz CF, pensionnaire de LaLiga Hypermotion (deuxième division), a officialisé ce 31 octobre 2025 l'entrée en Bourse de sa filiale technologique Nomadar Corporation, désormais cotée au Nasdaq Capital Market sous le symbole NOMA.
L'opération, menée par Rafael Contreras, vice-président du club et PDG de Nomadar, a été célébrée lors du traditionnel Opening Bell à New York, en présence du président Manuel Vizcaíno et d'une délégation gaditana.
Avec une valorisation initiale de 218 millions de dollars (189 millions d'euros), Nomadar devient la première entité liée à un club espagnol à se coter sur un marché américain. A ce jour, le seul club à avoir déjà fait le saut en Bourse était Intercity CF, cotée au BME Growth, le marché espagnol.
Cette cotation, présentée comme un "tournant historique" par LaLiga, marque une nouvelle étape dans la stratégie d'internationalisation et de diversification du Cadiz CF, qui cherche à financer son ambitieux projet immobilier et technologique : Sportech City, à El Puerto de Santa Maria.
Un projet global pour une économie locale
Selon le club, Nomadar doit devenir "le bras technologique et innovant" du Cadiz CF, avec pour mission de connecter sport, santé, divertissement et tourisme.
L'entreprise chapeautera plusieurs lignes d'activité :
- la marque Mágico González, dont elle détient les droits exécutifs hors d'Espagne,
- le High Performance Training Program (HPT) pour jeunes athlètes,
- et le futur complexe Sportech City, qui doit accueillir arena, hôtel, clinique et espaces commerciaux.
Ce dernier, annoncé comme un écosystème de 110 000 m², ne devrait pas voir ses travaux démarrer avant fin 2026 — un horizon qui situe encore la phase d'investissement à moyen terme.
Cotation directe : pas de levée de fonds immédiate
Malgré la mise en marché du 31 octobre, Nomadar n'a pas levé de capitaux frais. La société a choisi la formule du direct listing, une cotation directe sans émission de nouvelles actions.
Les 11,58 millions d'actions Classe A mises en circulation proviennent d'actionnaires existants, et environ 4 millions sont libres de transactions dès le premier jour.Ce choix diffère d'une IPO classique, où la société émet de nouveaux titres pour financer sa croissance.
Dans le cas de Nomadar, les produits des ventes iront aux actionnaires vendeurs, et non à la société elle-même.
Pour pallier cette absence de levée de fonds, la filiale gaditana s'appuie sur un accord de financement complémentaire, le Standby Equity Purchase Agreement (SEPA), signé avec Yorkville Advisors.
Cet outil permettre d'émettre jusqu'à 30 millions de dollars d'actions supplémentaires, moyennant une commission d'engagement de 325 000 dollars déjà comptabilisée. Une note convertible de 500 000 dollars a été enregistrée pour renforcer la liquidité.
Des chiffres modestes, une valorisation ambitieuse
Les documents déposés auprès de la SEC le 9 septembre 2025 révèlent une réalité économique bien plus prudente que la communication institutionnelle.
Au premier semestre 2025, Nomadar a généré 499 570 dollars de revenus, principalement via le programme HPT et des droits de marque, contre 8 000 dollars sur l'ensemble de 2024.
Les pertes nettes atteignent 914 077 dollars, tandis que les coûts opérationnels dépassent 1,4 million.
Rapportée à la valorisation de 218 millions, cette performance traduit un modèle hautement spéculatif : la capitalisation de marché repose intégralement sur les perspectives du projet Sportech City et la monétisation future des marques, plus que sur des flux économiques existants.
Ceci rappelle, l'initiative avortée de Barça Vision, qui était destinée à la cotation alors que ses flux de revenus était faibles. Bien que les projets soit différents, le Barça spéculant à l'époque sur le secteur du metavers et des NFTs, dont la bulle a éclaté avant son décollage.
Gouvernance : contrôle intégral du Cádiz CF
Malgré la cotation publique, le contrôle stratégique demeure entre les mains du Cádiz CF. Grâce à une structure duale d'actions, les titres de Classe B (non cotés) détenus par Sport City Cádiz disposent de vingt droits de vote par action, contre un seul pour les titres de Classe A.
Ce dispositif assure la maîtrise du projet par le club et son vice-président Rafael Contreras, qui cumule les fonctions de dirigeant du club, PDG de Nomadar et initiateur du projet immobilier.
Cette concentration des rôles et des votes soulève des questions de gouvernance croisée, notamment sur la gestion des flux financiers intra-groupe :
- quelle part des revenus de Nomadar remonte au club ?
- quelle garanties existent pour les investisseurs minoritaires ?
- et surtout, quels actifs tangibles appartiennent réellement à la filiale cotée ?
Nomadar s'inscrit dans une logique de marque : celle d'un écosystème global, mêlant sport, bien-être et expérience culturelle.
Toutefois la chronologie révèle un décalage entre le récit et l'exécution. Alors que Sportech City reste en phase de planification, les flux opérationnels demeurent limités et l'équilibre financier dépendra largement de la capacité à attirer partenaires et investisseurs sur la durée.
Pour sa part, le Cadiz CF s'affirme comme un acteur pionnier, mais l'expérience met aussi en lumière les risques d'une financiarisation prématurée : une capitalisation boursière sans actifs significatifs, un projet immobilier encore virtuel, et une structure de gouvernance encore verrouillée.

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