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Crédit image : Union Deportiva Las Palmas |
Le club de Gran Canaria a vécu une saison satisfaisante en 2023/2024, marquée par le maintien en première division, un chiffre d'affaires en forte hausse à 70,53 millions d'euros et un timide retour à la rentabilité avec un bénéfice net de 1,32 million d'euros. Si la dette bancaire a nettement reculé, l'encours total de la dette a néanmoins augmenté de 26,9 %, sous l'effet des achats de joueurs pour renforcer l'effectif et des tirages du prêt participatif de CVC. Foot Espagne Business revient sur cette saison charnière en analysant les principale données financières de l'UD Las Palmas, telles que détaillées dans le rapport officiel du club.
Croissance à trois chiffres de l'activité ordinaire
Le passage de la Segunda à la Primera est toujours un moment crucial pour un club de football : une exposition médiatique plus importante, des finances boostées par les recettes audiovisuelles, et l'excitation du maintien. L'UD Las Palmas n'a pas échappé à cette règle et a pleinement saisi l'opportunité pour développer son activité ordinaire en 2023/2024.
Le club de Gran Canaria a bouclé la saison avec un chiffre d'affaires net en hausse de 191,6 %, atteignant 70,53 millions d'euros, après trois exercices passés dans l'antichambre du football professionnel espagnol. Pour son retour en Liga, toutes les lignes d'activité ont connu nette amélioration.
- Le matchday (billetterie et abonnements) a triplé ses recettes pour atteindre 14,66 millions d'euros.
- Le secteur commercial, porté par les partenariats institutionnels (notamment avec le Cabildo de Gran Canaria), commerciaux (Caixabank, Disa, Cordial Hotels) et techniques (Hummel), a progressé de 14,5 % pour atteindre 11,42 millions.
- Quant aux droits TV, ils ont bondi de 392,8 %, s'envolant à 43,72 millions d'euros et devenant de loin la première source de revenus du club.
Bien entendu, cette croissance exceptionnelle ne propulse pas encore l'UD Las Palmas parmi les mastodonte économique de LaLiga, toujours dominée par le Real Madrid et ses 1,04 milliard d'euros de chiffre d'affaires net. Avec 70,53 millions d'euros en 2023/2024, Las Palmas se classe au 15e rang des clubs espagnols, en dessous de la moyenne de la compétition, établie à 186,72 millions d'euros selon les données compilées par FEB Analytics, l'outil de veille de Foot Espagne Business.
Toutefois, le club devance plusieurs équipes déjà bien installées dans l'élite, comme Getafe CF (60,07 millions) ou Cadiz CF (62,05 millions). Bien qu'ils aient une part droits TV légèrement plus élevée, Las Palmas les surpasse dans les recettes de matchday et dans le secteur commercial, témoignant de sa singularité d'entité insulaire, dans un archipel où la suprématie footballistique se joue face au CD Tenerife, club de l'île voisine actuellement en Segunda Division.
Grâce à cette dynamique de croissance, les Amarillos ont pu renforcer leurs ressources pour affronter les exigences de LaLiga EA Sports. Mais cette montée en puissance économique s'est accompagné d'une nette augmentation des charges, notamment salariales, reflet des investissements nécessaires pour sécuriser le maintien parmi l'élite.
Une inflation des coûts maîtrisée pour rester compétitif
Pour renforcer sa compétitivité, l'UD Las Palmas n'a pas hésité à investir. Un effectif bien construit reste l'une des clés majeures pour atteindre les objectifs sportifs. Sur le marché des transferts, le club a déboursé 10,13 millions d'euros pour s'attacher les services de joueurs comme Mika Marmol, Sory Kaba ou encore Sandro Ramirez.
Plusieurs renforts expérimentés ont également été obtenus sans indemnité de transfert, à l'image de Munir El Haddadi (en provenance de Getafe) et José Campana (ex-Levante). En parallèle, le club a su activer le levier des prêts auprès de grandes institutions européennes, récupérant Marvin Park (Real Madrid), Julian Araujo (FC Barcelona) et Maximo Perrone (Manchester City) pour densifier son effectif.
Ces renforts, combinés à l'application du barème salarial de la première division, ont entraîné une hausse de 120,6 % de la masse salariale totale, qui a atteint 40,32 millions d'euros, soit 57,2 % du chiffre d'affaires net. Sur ce montant, les salaires du personnel sportif représentent 34,26 millions d'euros. En incluant les charges d'amortissement des joueurs, le coût total du personnel sportif - un indicateur clé pour LaLiga dans le calcul de la limite salariale - s'est élevé à 36,84 millions d'euros, soit environ trois millions de plus que le plafond fixé en février 2024
Avec ses 34,26 millions d'euros de masse salariale sportive, l'UD Las Palmas se classe 19e de LaLiga, très loin de la moyenne de 104,73 millions d'euros observée sur l'ensemble du championnat. Le club forme, avec le Rayo Vallecano (34,30 millions) et le Deportivo Alavés (27,28 millions), le trio des équipes enavec une masse salariale sportive inférieure à 40 millions d'euros.
Concernant les autres charges de fonctionnement, les trajectoires ont divergé selon les postes. Les approvisionnements ont diminué de 14,3 %, pour s'établir à 1,98 million d'euros, En revanche, les autres charges d'exploitation ont presque doublé, passant de 14,94 millions à 26,68 millions d'euros, avec une hausse particulièrement marquée des coûts liés aux services externes (+130,1 %, à 20,81 millions d'euros).
De manière générale, le club a su maîtriser l'inflation de ses coûts de fonctionnement, en la maintenant bien en deçà dessous de la croissance exceptionnelle de ses revenus. Une gestion rigoureuse qui lui a permis de renouer avec la rentabilité, après avoir cumulé 16,70 millions d'euros de pertes au cours des trois exercices précédents.
Rentabilité : un retour timide mais significatif
Un retour à la rentabilité dès la montée en première division est souvent monnaie courante pour les clubs habitués à faire l'ascenseur. En Segunda, la stratégie consiste généralement à assumer des charges supérieures aux revenus pendant quelques saisons pour accélérer la remontée. Trois saisons auront suffi à l'UD Las Palmas pour réussir cet objectif.
Le maintien acquis en 2023/2024 lui ouvre la perspective de compenser progressivement les pertes passées. Cette première saison dans l'élite a d'ailleurs été fructueuse, avec un léger bénéfice net de 1,32 million d'euros, contrastant fortement avec les 10,01 millions d'euros de pertes de l'exercice précédent. La croissance spectaculaire du chiffre d'affaires net, renforcée par 2,54 millions d'euros d'autres produits d'exploitation, a été le moteur principal du retour au vert, dans un championnat où le résultat net agrégé est dans le rouge à hauteur de 171,25 millions d'euros avec une moyenne de 8,56 millions d'euros selon les données compilées par FEB Analytics.
La maîtrise des charges a ensuite permis de dégager un résultat brut d'exploitation (EBITDA) de 4,09 millions d'euros, ajusté à 7,93 millions d'euros grâce aux 3,84 millions d'euros de plus-values sur le marché des transferts. Ce taux de marge de 11,2 % par rapport au chiffre d'affaires net a été suffisant pour absorber les 5,94 millions d'euros de charges d'amortissement et aboutir à un bénéfice opérationnel de 3,80 millions d'euros.
Cependant, le poids grandissant de la dette a généré des charges financières en hausse, qui, une fois déduites, ainsi que l'impôt sur les sociétés, ont limité le bénéfice net. Ce dernier, bien que modeste, a permis de pratiquement doubler les fonds propres du club, déjà soutenus par une récente augmentation de capital réalisée par les actionnaires.
Si l'UD Las Palmas a su capitaliser sportivement et financièrement sur son retour en Liga, l'équilibre reste fragile. Derrière le rebond des revenus et le retour aux bénéfices, l'évolution de l'endettement constitue désormais un enjeu majeur pour la solidité financière de l'entité amarilla.
La dette en transition : moins de banques, plus de projet
Le retour dans l'élite a redonné de l'air aux finances de l'UD Las Palmas, mais la trajectoire de la dette rappelle que la prudence reste de mise. Après avoir réduit son passif total à 42,37 millions d'euros en 2022/2023, le club a vu sa dette remonter de 26,9 % sur la dernière saison, pour atteindre 53,79 millions d'euros. Ce rebond s'explique notamment par les investissements réalisés dans l'effectif et par l'adhésion au Plan Impulso de LaLiga.
Comme la grande majorité des clubs de LaLiga, Las Palmas a adhéré en novembre 2021 au prêt participatif du fonds CVC, pour un montant maximal de 37,49 millions d'euros. Une manne financière destinée au développement des infrastructures. "Le capital social a été augmenté d'un million d'euros, atteignant ainsi 4,21 millions d'euros, dans une société anonyme qui continue de concentrer ses efforts d'investissement sur le le Complexe Sportif de Barranco Seco. Les fonds issus de l'investissement de CVC sont majoritairement affectés à ce projet, dont la deuxième phase prévoit non seulement la construction de deux nouveaux terrains d'entraînement et d'un bâtiment d'hébergement, mais aussi de nombreux travaux complémentaires en vue d'obtenir la certification maximale en matière d'environnement et de durabilité", a précisé le club dans son rapport de gestion.
A la clôture de l'exercice 2023/2024, le club a perçu 21,07 millions d'euros du montant total dont il a droit. Sur celui-ci, 1,13 million a déjà été remboursé, laissant un encours de dette de 19,94 millions d'euros. Ce prêt, structuré de manière originale, ne porte pas d'intérêt fixe, mais comporte une rémunération variable indexée à 1,52 % des revenus audiovisuels nets du club. Ce mécanisme implique que le coût réel de la dette évolue fortement d'une saison à l'autre en fonction des droits TV perçus. En 2023/2024, les charges financières issues de ce dispositif se sont élevées à 659 322 euros.
En parallèle du recours au prêt participatif du fonds CVC, l'UD Las Palmas a progressivement réduit son exposition à la dette bancaire classique. De 13,99 millions d'euros en 2020/2021, les emprunts auprès des entités de crédit ont été ramené à 8,91 millions d'euros à la clôture de l'exercice 2023/2024. Une tendance confirmée par les flux de trésorerie liés au financement : si le club a levé 3,29 millions d'euros de dette bancaire sur la dernière saison, il en a parallèlement remboursé 7,67 millions, ce qui représente son effort d'amortissement le plus important sur la période récente.
Cette stratégie de désendettement bancaire, couplée à une montée en puissance des autres passifs à long terme - essentiellement constitués du prêt participatif CVC et des dettes envers d'autres clubs pour des transferts (6,32 millions en 2023/2024) - traduit la volonté du club de privilégier des sources de financements plus souples et moins contraignante à court terme. En parallèle, les dettes commerciales liées à l'activité courante continuent de croître modérément, mais sans représenter une menace immédiate pour l'équilibre financier.
Au niveau de LaLiga EA Sports, l'UD Las Palmas figure parmi les clubs avec la dette totale la plus faible, la moyenne de la compétitions se situant à 369,75 millions d'euros. Toutefois, ce niveau d'endettement modéré en valeur absolue masque une structure financière encore fragile. En effet, bien que la dette du club ait reculé après un pic en 2021/2022 (57,71 millions d'euros), elle reste élevée par rapport à ses capitaux propres, qui ont fondu entre 2020 et 2023 avant de se stabiliser à un niveau bas (11,82 millions d'euros).
Le ratio dette / capitaux propres ressort ainsi à plus de 4,5 en 2023/2024, ce qui témoigne d'un déséquilibre persistant. Par ailleurs, si le retour en Liga a permis d'améliorer nettement le ratio dette / chiffre d'affaires net (passé de 300 % à 76 %), le club reste dans une phase de transition où la consolidation de sa situation financière constitue un enjeu majeur à moyen terme.
La saison 2023/2024 marque une étape importante dans la trajectoire récente de l'UD Las Palmas. Sportivement, le maintien en Liga confirme la solidité du projet mené par le club ; financièrement, les résultats traduisent une gestion rigoureuse, capable de transformer un rebond conjoncturel en levier structurel. Entre croissance spectaculaire du chiffre d'affaires, retour à la rentabilité et réorganisation stratégique de la dette, le club amarillo s'offre un bol d'air, sans pour autant se départir de sa prudence. Si les marges de manœuvre restent étroites dans un championnat toujours polarisé, le club insulaire démontre qu'une ascension maîtrisée est possible - à condition de conjuguer ambition sportive, discipline budgétaire et constance stratégique.
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