Amanda Gutiérrez : « Le football féminin n’a pas besoin de plus d’argent public »

Amanda Gutiérrez appelle à plus d'investissements privés dans le football féminin, sans dépendance accrue aux aides publiques.
Crédit image : France Infos

Dans un contexte de croissance rapide du football féminin, Amanda Gutiérrez, présidente du syndicat Futpro, met en lumière les défis persistants, notamment le manque d'investissement de la part des clubs, tout en appelant à un changement de mentalité. Selon elle, « le gouvernement ne doit pas investir davantage dans le football féminin », car ce dernier doit être vu comme un produit capable de générer des revenus et d’assurer sa propre durabilité. « Nous devons être capables d’exploiter ce produit tout en générant des bénéfices », insiste-t-elle dans un entretien accordé à Palco23.


Un secteur en pleine expansion, mais des mentalités encore figées


Le football féminin espagnol a connu un essor significatif ces dernières années, porté notamment par les performances sportives. Le FC Barcelona en est un exemple frappant : grâce à une politique d'investissement soutenue, le club catalan a non seulement dominé la scène sportive, mais a également réussi à dégager des bénéfices économiques. Cependant, Gutiérrez souligne que de nombreux dirigeants restent réticents à investir, arguant que ce sport ne génère pas assez d’argent. Pour elle, cette attitude reflète un manque de vision stratégique. « Tant que ces dirigeants ne comprendront pas le potentiel du football féminin, nous continuerons à observer une fuite des talents vers des ligues plus attractives », alerte-t-elle.


Le calendrier surchargé en Espagne constitue un autre défi majeur. Des joueuses comme Lucy Bronze ont critiqué la longueur de la saison, et Gutiérrez confirme que cette saturation risque d'affaiblir la compétitivité de la ligue. « Il est impératif de revoir le nombre de matchs afin d'assurer une meilleure qualité de jeu », recommande-t-elle.


La professionnalisation : un levier de progrès inégal


Malgré une professionnalisation récente, le football féminin en Espagne reste confronté à des inégalités structurelles par rapport à son homologue masculin. « Dans le football masculin, personne ne remet en cause les investissements massifs pour améliorer les infrastructures ou les soins des joueurs. Dans le football féminin, certains clubs ne prennent même pas en charge les frais médicaux des joueuses blessées », déplore la présidente de Futpro.


Gutiérrez plaide ainsi pour une égalité des conditions de travail, avec des infrastructures, des staffs et des ressources comparables à celles du football masculin. « Si cela n'est pas mis en place rapidement, le football féminin ne pourra pas croître comme il le devrait », prévient-elle.


Une question d’investissement, pas d’aides publiques


Pour Gutiérrez, il ne s'agit pas d'une question d'injections financières de la part de l'État. Le gouvernement espagnol, par l'intermédiaire du Conseil supérieur des sports (CSD), a déjà investi des millions dans le football féminin, répartis entre la Liga F, les clubs et les équipes indépendantes. Désormais, selon elle, il revient aux dirigeants des clubs de prendre leurs responsabilités. « Le football féminin doit être exploité comme un business, et non pas constamment dépendre des subventions publiques », explique-t-elle.


L’écart entre des clubs comme le Barça et d’autres équipes pourrait se réduire à condition que les clubs adoptent une approche plus professionnelle, notamment en ce qui concerne les déplacements. « Lorsque les joueuses passent quatorze heures en bus pour se rendre à un match, cela affecte la qualité du jeu. Les clubs doivent investir dans de meilleures conditions pour leurs joueuses, ce qui profitera à la compétition dans son ensemble », souligne-t-elle.


Un rôle clé des institutions et des syndicats


Les efforts pour améliorer la condition des joueuses ne viennent pas seulement des clubs, mais aussi des syndicats comme Futpro, qui a pris en charge la défense des joueuses dans des affaires comme celle d'Alhama El Pozo. Gutiérrez critique vivement le manque d’implication des autres institutions, soulignant que ces dernières « préfèrent être présentes sur la photo plutôt que d’aider réellement les victimes ».


Sur le plan des négociations collectives, elle se félicite des avancées obtenues sur plusieurs points clés du nouveau convention collective, notamment en matière de maternité et de lutte contre le harcèlement sexuel. Toutefois, elle reconnaît que des progrès restent à faire sur la question des salaires. « Nous avons réglé la majorité des points, mais l'augmentation du salaire minimum reste une priorité pour le prochain accord », indique-t-elle. Le syndicat milite également pour garantir une meilleure protection des joueuses revenant de maternité, afin qu'elles puissent retrouver leur niveau physique optimal.


En définitive, Amanda Gutiérrez appelle à une évolution des mentalités pour permettre au football féminin de continuer son essor. Si les dirigeants sont capables de saisir le potentiel économique du sport féminin, elle est convaincue que l’Espagne peut maintenir son statut de leader mondial en la matière. « Nous avons les meilleures joueuses du monde, et il est temps que les clubs et les institutions soient à la hauteur de cette réalité », conclut-elle.


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